L’enfance de Jordan Bardella à Saint-Denis, du mythe à la réalité

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« Bienvenue chez vous ! » Ce 30 août 2023, en début d’après-midi, le sous-préfet de Saint-Denis tend la main à Jordan Bardella qui, en cravate et souliers cirés, vient défendre les idées de l’extrême droite sur l’invitation d’Emmanuel Macron. Dans ces « rencontres de Saint-Denis », restreintes aux chefs de parti et hauts personnages de l’Etat, voulues par l’Elysée pour tenter de renouer un dialogue avec les oppositions, ils sont seize autour de la table. Mais un seul, le jeune président du Rassemblement national, joue à domicile.

Dans l’enceinte de la maison d’éducation de la Légion d’honneur, en plein cœur de la ville emblématique du 93, Jordan Bardella passe un deuxième examen. Dix ans plus tôt, dans les mêmes lieux, c’était le baccalauréat. Cette fois, c’est un brevet de compétence et d’honorabilité que l’exécutif lui décerne. Jusque-là, le jeune homme de 27 ans n’était que le dauphin de Marine Le Pen, seule interlocutrice du pouvoir. Le voilà numéro un légitimé.

Alors, évidemment, la phrase d’accueil du sous-préfet, que Jordan Bardella aime à distiller avec gourmandise auprès des journalistes, a le goût de la cerise sur le gâteau. Au-delà de la politesse républicaine, c’est une reconnaissance du lien territorial qu’il revendique depuis dix ans. Jordan Bardella est « chez lui » à Saint-Denis et, ce jour-là, la future tête de liste aux élections européennes du 9 juin vient de boucler symboliquement le premier temps de sa vie politique.

Le socle de son identité politique

« Retour à la case départ ». Voici comment Jordan Bardella a prévu d’intituler le chapitre consacré à cet épisode dans son autobiographie en préparation. Il y sera très largement question de Saint-Denis, dit-il, début mai, de son bureau de président du RN, dans le 16arrondissement de Paris, si loin de la cité Gabriel-Péri où il a grandi. Dans le manuscrit, objet de nombreuses attentions et dont le futur éditeur n’est toujours pas connu, il revient en détail sur le HLM où il a vécu avec sa mère, le trafic de drogue au pied des barres et, bien sûr, l’assaut contre l’immeuble insalubre dans lequel s’étaient réfugiés des terroristes du 13 novembre 2015, à quelques centaines de mètres à vol d’oiseau de chez lui. Les explosions ont résonné jusque dans sa chambre d’adolescent. Aucun détail ne manquera. De son enfance à Saint-Denis, Jordan Bardella a fait le socle de son identité politique.

Ses électeurs n’ignorent plus son destin d’enfant de mère divorcée, aux fins de mois difficiles, qui travaille en tant qu’Atsem, ces personnels qui assistent les enseignants dans les écoles maternelles. Lui se décrit souvent, sans crainte de forcer le trait, comme un rescapé d’une cité sordide et dangereuse, gangrenée par la drogue et l’islam radical, à l’image d’une ville transformée « en terreau islamiste, livrée aux crimes et aux trafics ». Un lieu qu’il « n’arrive pas à détester » : « J’y ai mes racines, une part de moi-même et de l’histoire de ma famille. » Son parcours personnel serait à la source de son engagement : « Je fais de la politique pour tout ce que j’ai vécu là-bas. Pour que cela ne devienne pas l’apanage de la France entière. Car ce qui se passe là-bas n’est pas normal. »

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