Jamais lors des neuf dernières élections européennes le thème de l’immigration n’aura occupé une telle place qu’en 2024. En 2019, il se situait au quatrième rang des sujets dont les Français nous disaient qu’ils tiendraient le plus compte dans leur choix de vote, derrière le « pouvoir d’achat » et la « protection de l’environnement » – qui faisaient à l’époque jeu égal – et très légèrement après la « place de la France en Europe et dans le monde ».
Dans la cinquième vague de l’enquête électorale d’Ipsos pour Le Monde, la Fondation Jean Jaurès, le Centre de recherches politiques de Sciences Po et l’Institut Montaigne, l’immigration est citée en deuxième position et talonne le pouvoir d’achat (18 % contre 20 %, 38 % contre 47 % si l’on prend le total des citations). Dans une autre enquête d’Ipsos réalisée en mai pour France Télévisions, l’immigration est le sujet dont les Français pensent qu’il devrait être la principale priorité de l’Union européenne dans les années à venir. De place éminente en 2019, on est passé à place prépondérante en 2024.
Une élection se gagne à partir de plusieurs composantes mais l’une des plus essentielles est celle de l’enjeu prioritaire et de la crédibilité comparée des listes ou des candidats qui s’affrontent sur cet enjeu. En 2019, l’enjeu et la crédibilité des formations politiques étaient partagés : le Rassemblement national (RN) était plus crédible que La République en marche (LRM, devenu Renaissance) sur l’immigration, mais le parti présidentiel, et en particulier Emmanuel Macron, l’était davantage sur la place de la France en Europe et dans le monde et, à l’époque, sur les sujets économiques, la sortie de l’euro prônée par le RN inquiétant profondément les Français.
Thème peu porteur pour la majorité présidentielle
Les écologistes, enfin, étaient les plus crédibles sur l’environnement, qui s’imposait de plus en plus comme un sujet majeur du débat. Le résultat de 2019 porte logiquement la marque de cette distribution des enjeux dominants et de la crédibilité des candidats, chacun ayant sa zone de force : une liste RN, conduite déjà par Jordan Bardella, certes en tête mais d’1 point seulement devant celle de LRM, laquelle résistait bien, et une liste écologiste qui avait créé la surprise, arrivant en troisième position avec 13,5 %. Toutes les autres, dont aucune n’était très crédible sur un enjeu important, étaient balayées et en dessous des 10 %.
Rien de tel aujourd’hui. D’abord parce que, même sur le premier enjeu, le pouvoir d’achat, la crédibilité du RN est en hausse et celle de la majorité présidentielle en baisse. Ensuite parce que le premier enjeu qui serait favorable à Renaissance, « la place de la France en Europe et dans le monde », n’arrive qu’en sixième position, à 18 points de l’immigration, derrière la santé, l’environnement et la sécurité, trois thèmes aujourd’hui peu porteurs pour la majorité présidentielle.
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