l’heure de vérité pour l’ANC

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Le rêve de Nelson Mandela liant la promesse d’une « vie glorieuse pour tous » au triomphe de la démocratie a été violemment percuté, dimanche 2 juin, par la proclamation officielle des résultats des élections générales du 29 mai en Afrique du Sud. Trente ans après la chute du régime raciste d’apartheid et l’instauration de la démocratie en Afrique du Sud, dont il a été le principal acteur, le Congrès national africain (ANC) a été lourdement sanctionné par la perte de la majorité absolue qui lui a permis de diriger le pays depuis 1994, au point de s’identifier à l’Etat. En recueillant à peine plus de 40 % des suffrages contre près de 70 % à son apogée, en 2004, le parti perd la prééminence que son rôle historique de libérateur lui avait conférée.

Si l’ANC demeure le premier parti du pays, sa chute électorale vertigineuse sanctionne d’abord son échec à réduire le gouffre économique qui sépare les différentes catégories sociales, une fracture qui recoupe, avec maintes nuances, celle séparant la majorité noire de la minorité blanche (7 % de la population). Non seulement l’Afrique du Sud est le pays le plus inégalitaire du monde, mais ces inégalités se sont creusées depuis la fin de l’apartheid.

Le taux de chômage – 32,9 % – est l’un des plus élevés du monde, de même que celui de la criminalité, en particulier celui des féminicides. Les incessantes coupures d’électricité plombent l’économie et exaspèrent la population, tout comme la dégradation des infrastructures, accélérée par le manque d’investissement.

Alors que des programmes massifs d’aide sociale, d’accès au logement, à l’eau et à la santé ont été lancés après la fin de l’apartheid, l’argent public n’a cessé d’être dilapidé, en particulier après l’élection, en 2009, de Jacob Zuma, dont la présidence a été marquée par le pillage généralisé des ressources de l’Etat au profit d’une clique d’hommes d’affaires véreux et de politiciens corrompus. Même les mécanismes conçus pour promouvoir les populations noires ont pu être détournés de leur but.

Montée d’un inquiétant populisme

Elu en 2017 sur la promesse d’une « aube nouvelle », l’actuel président, Cyril Ramaphosa, 71 ans, un ancien syndicaliste devenu un riche homme d’affaires, héritier d’un pays en triste état, a tenté de redresser la barre. Mais les lourdeurs extrêmes de son parti et son souci d’en ménager chaque tendance ont entravé ses efforts.

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Le succès inattendu d’Umkhonto we Sizwe, parti récemment fondé par M. Zuma – lui-même interdit de se présenter aux élections pour cause de condamnation pénale –, en particulier dans sa province du Kwazulu-Natal, traduit la montée d’un inquiétant populisme à connotation ethnique. Une telle fragmentation ébranle la ligne résolument anticommunautariste sur laquelle s’est construit l’ANC, tout comme le principe de l’unité de la « nation arc-en-ciel » qui reste très populaire dans le pays.

A cette menace sur le fondement même de l’Afrique du Sud post-apartheid, s’ajoute un obstacle institutionnel dans ce pays où les députés élisent le président de la République : la fin de la domination de l’ANC renvoie le pays au système parlementaire instauré par sa Constitution mais jamais mis à l’épreuve des réalités. Pour la première fois, l’ANC va devoir partager le pouvoir. Soit avec les populistes à tendance autoritaire issus de son aile gauche, soit avec l’opposition centriste probusiness. Une source d’incertitude pour la stabilité d’un pays en crise, et un immense défi où se mesurera la capacité des responsables politiques sud-africains à être dignes de l’héritage de Mandela.

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Le Monde

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