la campagne paradoxale de Jordan Bardella, populaire mais faillible

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Rarement un élu est apparu si dépité d’accueillir une « rock star » sur ses terres. Vendredi 31 mai, Yves Palmieri, maire divers droite de La Farlède (Var), regarde, désabusé, 150 jeunes pris de folie par la visite d’une heure de Jordan Bardella, lors de la traditionnelle foire viticole de la commune. La tête de liste du Rassemblement national (RN) aux élections européennes du 9 juin n’a rencontré aucun exposant, préférant succomber à la marée de bras rêvant d’un selfie avec lui. Une idole à la notoriété façonnée sur TikTok ou sur le plateau de Cyril Hanouna.

« Dans une période d’anxiété générale et en utilisant tous les codes de son époque, il a acquis une dynamique telle que rien ne semble l’empêcher de viser [l’élection présidentielle de] 2027, juge M. Palmieri. Mais quand on fait rêver les gens, derrière, il faut assumer. » Pas loin de lui, le député (RN, Var) Frank Giletti exulte, heureux que son poulain n’ait pas, de toute la journée, été traité de « facho ». « Les gens ne lui parlent même pas de politique, de toute façon, reconnaît le délégué départemental du parti frontiste. C’est complètement dingue ce qui se passe autour de lui. »

Lire aussi l’enquête | Article réservé à nos abonnés Jordan Bardella, les dessous d’une « politique TikTok »

Deux jours plus tard, pour son unique meeting à Paris, Jordan Bardella livre un discours radical devant une assistance particulièrement rajeunie, agitant sans dire son nom le concept raciste et fantasmatique du « grand remplacement ».

Ce dernier week-end de campagne clôt pour lui une séquence de neuf mois, paradoxale. La popularité du jeune président du RN a crû de manière spectaculaire, poussée par les réseaux sociaux, son goût nouveau pour l’exercice des déambulations et des selfies, la place laissée par Marine Le Pen et les encouragements initiaux de la Macronie, qui rêve de voir le RN s’entretuer. Mais, dans le même temps, l’eurodéputé n’a pas imposé un récit particulier à sa campagne et son costume de bon débatteur en sort élimé. En 2019, il n’était que l’homme lige de Marine Le Pen, une façade jeune et avenante de l’extrême droite. Cinq ans plus tard, pour sa première campagne dont il tenait les commandes, la marque laissée par Jordan Bardella reste difficile à cerner.

Plus pragmatique que cohérent

C’est avec l’aide de Marine Le Pen qu’il a décidé de la rupture avec l’AfD, cet encombrant allié allemand, choisi le slogan (« La France revient, l’Europe revit ») et le fil rouge de la campagne (contre « l’Europe de Macron »), et encore coupé quelques têtes pour constituer sa liste. C’est de son propre chef, à l’inverse, qu’il a mis en sourdine la ligne pro-Kremlin du parti, en adoptant un discours plus dur vis-à-vis de la Russie que Marine Le Pen ; en remboursant de manière anticipée l’intégralité du prêt russe qui avait pollué la fin de campagne présidentielle de son aînée ; et en exprimant son désaccord avec son propre député européen Thierry Mariani… qu’il a pourtant reconduit sur sa liste, signe que M. Bardella est plus pragmatique que cohérent.

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