pour les 80 ans du Débarquement, l’humilité et l’émotion des vétérans

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« Dans chaque vieux, il y a un jeune qui se demande ce qui s’est passé », dit une étrange formule. Eh bien, au soir du 6 juin, rentrant en autocar d’une longue journée de commémorations du Débarquement en Normandie, une poignée de vétérans américains centenaires, à la fois groggy et grisés, se posaient la question : qu’a-t-il bien pu se passer, en quatre-vingts ans, pour qu’on se retrouve ainsi, applaudis par les foules, glorifiés par les dirigeants, érigés en héros ?

Comment diable expliquer, disait Arlester Brown, 100 ans depuis le 1er avril, ce formidable retournement de situation qui fait qu’un jeune soldat noir, débarqué en Normandie au mois de juin 1944 au sein d’une unité chargée de l’intendance et de la blanchisserie, exposé dans le cadre de sa propre armée au racisme, à l’humiliation, à la ségrégation, se voie décoré de la Légion d’honneur par le président de la France, devant plusieurs monarques et un parterre de chefs d’Etat ? « La vie réserve décidément de jolies surprises, note-t-il. Cette journée était si lumineuse ! Tous ces sourires, ces vivats, cette communion si fraternelle autour des valeurs de la paix et de la liberté, franchement, quelle joie ! »

En des temps politiques incertains, la communauté internationale savait donc montrer qu’elle se serrait les coudes, qu’elle haïssait la dictature, qu’elle ne transigeait pas avec l’exigence de la démocratie. « Il est bien là, le message du D-Day, dit-il. La paix ! La paix si chèrement acquise et qu’il faut défendre sans compromis ni couardise. Biden et Macron ont été fermes sur le soutien à l’Ukraine. Tant mieux ! Ne réitérons pas les lâchetés de 1939. »

Larmes séchées par le vent

Que s’est-il donc passé ? demande également Felix Maurizio, 99 ans, si fragile, si bouleversé, si chancelant, qui n’était pas revenu en Normandie depuis ses 19 ans. La vie est passée si vite, malgré les échardes, les cauchemars, les visions que les décennies n’ont jamais réussi à chasser… Il y a quatre-vingts ans, jour pour jour, il était jeune marin à bord d’une péniche pleine de soldats destinés à débarquer dans la première vague d’Omaha Beach. C’était à lui d’abaisser la rampe à l’avant de l’engin pour que les hommes se jettent à l’eau, sous le feu des Allemands.

La mer était mauvaise et le bateau gîtait. Felix Maurizio était mort de trouille, des larmes brouillaient ses yeux. Et alors que les premiers GI, le fusil en avant, se précipitaient vers la plage, il a soudain aperçu son frère et a eu le souffle coupé. « Salvatore ! a-t-il eu le temps de crier. Garde la tête baissée ! » Le garçon a disparu dans le chaos de la plage. Felix n’a eu aucune nouvelle durant de nombreux mois. Ce n’est qu’à la fin de la guerre que ses parents lui ont appris que son frère avait réchappé au carnage d’Omaha et à d’autres combats.

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