La dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par Emmanuel Macron a eu pour effet de suspendre les travaux sur la réforme de l’audiovisuel public. La proposition de loi, déjà adoptée au Sénat en première lecture, devait être examinée fin juin par les députés. Soutenu par la ministre de la Culture Rachida Dati qui souhaitait en faire le symbole de son passage rue de Valois, le texte devait conduire à la création d’une holding au 1er janvier 2025 regroupant notamment Radio France, France Télévisions et l’Institut national de l’audiovisuel (INA), puis à une fusion au 1er janvier 2026.
Toutes les cartes sont désormais rebattues. Il y a trois hypothèses. La moins probable à ce jour : un front de gauche obtient la majorité à l’Assemblée nationale. Les projets de holding et de fusion seraient enterrés. Les parlementaires de gauche ont en effet bien fait comprendre à quel point ils étaient hostiles au projet. Il suffit de visionner les propos de la sénatrice socialiste Sylvie Robert lors des questions au gouvernement pour s’en convaincre. « Votre BBC à la française est visiblement vide de sens », dit-elle à Rachida Dati.
Privatiser pour récolter 3 milliards d’euros
Deuxième hypothèse : Emmanuel Macron parvient à obtenir un front majoritaire réunissant Renaissance, LR, le MoDem et d’autres formations amies. Le projet reprendrait avec la nouvelle assemblée, dès juillet ou à la rentrée. Dernier cas de figure, celui de l’arrivée au pouvoir du Rassemblement national, avec Jordan Bardella en Premier ministre. Il semblait impossible avant 2027 jusqu’au 9 juin dernier. Après le score de 31,3 % du RN auquel on peut ajouter les 5,5 % de Marion Maréchal avec Reconquête ! et l’annonce de nouvelles élections législatives par le président de la République, il est désormais sur la table.
Les rapports des dirigeants RN avec l’audiovisuel public sont conflictuels. Pour faire court, selon le RN, France Inter, France Info, France 2 et France 5 sont vues comme des chaînes remplies de « gauchistes ». Lorsqu’ils étaient candidats à la présidentielle de 2022, Marine Le Pen et Éric Zemmour avaient proposé de privatiser l’audiovisuel public (« en particulier France Inter et France Télévisions » pour ce dernier).
À LIRE AUSSI CNews ravit la couronne de première chaîne d’info à BFMTVLa privatisation reste toujours au programme du RN. Interrogé le 10 juin par Apolline de Malherbe sur BFMTV-RMC, le député Sébastien Chenu, vice-président du RN, a été très clair : « Marine Le Pen a été la première à dire que la dette devait se payer. C’est le cadre budgétaire que nous lègue Emmanuel Macron dans lequel nous allons évoluer. On fera des choix faits à l’aune de la situation budgétaire, mais surtout à l’aune de l’intérêt du peuple français. Il y a des marges de manœuvre. Celle d’une taxe sur les super profits et la privatisation de l’audiovisuel public, ce sont trois milliards d’euros. »
La perspective d’une grève
La fusion programmée de l’audiovisuel public paraissait déjà inadmissible aux yeux du personnel de Radio France et de France Télévisions, comme en témoigne la tribune signée par 1 400 personnes, dont Léa Salamé et Nagui, et publiée par Le Monde. « Vouloir fusionner tout l’audiovisuel public nous semble démagogique, inefficace et dangereux […] Cinq anciens ministres de la Culture (Rima Abdul Malak, Roselyne Bachelot, Renaud Donnedieu de Vabres, Jacques Toubon et Fleur Pellerin) dénoncent l’absurdité de ce projet flou et précipité », écrivent-ils. Avec la privatisation voulue par le RN, le curseur est placé encore plus haut. En cas de nomination de Jordan Bardella à Matignon en juillet, on imagine donc un audiovisuel public qui se mettrait immédiatement en grève.