« La dissolution est, pour Emmanuel Macron, l’ultime tentative de susciter un bougé »

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Dans l’histoire des dissolutions qui ont marqué la VRépublique, deux dates retiennent l’attention : la première, celle de 1962, s’est soldée par un succès pour l’exécutif au moment où le régime mi-présidentiel mi-parlementaire se cherchait encore. Le renvoi des électeurs aux urnes décidé par le général de Gaulle alors que l’Assemblée nationale venait de rejeter le projet de révision constitutionnelle visant à faire élire le président de la République au suffrage universel direct a relancé le parti gaulliste, conforté le premier ministre Georges Pompidou et installé le fait majoritaire qui a garanti pendant des décennies la stabilité du régime.

L’avant-dernière dissolution, décidée en 1997 par Jacques Chirac, a, à l’inverse, affaibli l’Elysée et revalorisé le jeu parlementaire en favorisant l’émergence d’une coalition de gauche, conduite par Lionel Jospin, qui a gouverné le pays pendant quatre ans, jusqu’au coup de tonnerre du 21 avril 2002.

La dissolution, annoncée dimanche 9 juin par Emmanuel Macron alors que l’extrême droite frôle les 40 %, fait entrer le pays en terrain inconnu car elle intervient dans le contexte d’une fragilisation de deux acteurs essentiels du jeu démocratique. Le président de la République, réélu en 2022 mais aussitôt privé de majorité absolue, concentre sur sa personne une forte animosité. L’Assemblée nationale, qui aurait pu tirer bénéfice de son affaiblissement, ne parvient pas, depuis deux ans, à rationaliser son jeu en raison de la dynamique des extrêmes et de l’affaiblissement du système partitaire.

Hormis le Rassemblement national en grande forme, toutes les formations politiques sont en situation d’émiettement (Les Républicains), de grande fragilité (Renaissance, Europe Ecologie-Les Verts) et de forte rivalité (La France insoumise et le Parti socialiste). L’effondrement du front républicain qui avait permis à la gauche et à la droite de tenir à distance le parti lepéniste depuis 2002 est la résultante autant que le symptôme de cette situation.

Procès en césarisme

A priori, rien ne justifiait qu’Emmanuel Macron, grand perdant de la séquence, tente une nouvelle fois de dynamiter le jeu politique au risque de sacrifier son premier ministre et une partie de ses parlementaires : les élections européennes qui se déroulent au scrutin proportionnel à un tour ont souvent servi de vote défouloir contre les gouvernements en place sans prendre le statut de scrutin de « midterm » qu’elles semblent cette fois avoir acquis.

En 2014, dans une situation assez comparable (la liste socialiste n’avait recueilli que 14 % des suffrages exprimés), François Hollande avait préféré faire le gros dos parce qu’il avait, comme Emmanuel Macron, changé de premier ministre quelques mois plus tôt et n’entendait pas modifier une nouvelle fois sa ligne. C’est notamment au regard de ce précédent que les oppositions républicaines allant de Raphaël Glucksmann (Parti socialiste-Place publique) à Eric Ciotti (Les Républicains) ont interprété, dimanche soir, la déroute de la majorité présidentielle face au Rassemblement national comme la fin du macronisme et un tremplin pour la préparation en trois ans d’une alternance axée sur le rétablissement du clivage entre la gauche et la droite.

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