à Iten, une vie de sacrifices et parfois de dérives pour les champions de course à pied kényans

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La pluie glaciale qui leur fouette le visage ne les arrêtera pas. Elle ne les ralentira pas non plus. Dès les premières lueurs de l’aube sur les hauts plateaux de la vallée du Rift, des milliers de Kényans courent. La mâchoire serrée, le regard fixé vers l’horizon, ils avalent les kilomètres en effleurant le sol d’une foulée fluide et aérienne. A quoi pensent-ils ? « J’imagine les records que j’aimerais battre pour devenir une grande championne et aider ma famille, répond Mercy Jelimo, 17 ans, spécialiste de cross-country. Même si c’est difficile, je fais toujours le maximum. »

A 2 400 mètres d’altitude, Iten, ville d’environ 40 000 habitants située dans l’ouest du Kenya, se présente comme l’épicentre de l’endurance mondiale : « The Home of Champions » (« la maison des champions »), comme l’annonce une banderole sur la route principale. Dès 5 heures, certains s’entraînent sur la voie qui mène vers Eldoret, chef-lieu du comté d’Uasin Gishu, pendant que d’autres empruntent les chemins de terre pour des séances de fartleck, un exercice où il faut alterner les phases de sprint avec d’autres plus calmes. Au moins une fois par semaine, tous vont enchaîner les accélérations au vieux stade Kamariny. En ce matin de mai, ils sont plusieurs centaines. Entourée d’herbes folles et de quelques chèvres égarées, sa piste mythique en terre rouge a vu défiler toutes les stars de l’athlétisme kényan.

« Il y a des raisons physiologiques qui peuvent expliquer le succès de nos coureurs mais pas seulement, explique Castro Mugalla, médecin spécialiste du sport à l’hôpital d’Iten. Ils s’entraînent durement en altitude et le fait qu’ils soient habitués très jeunes à courir pour aller à l’école par exemple les aide aussi. » A Iten, on court rarement pour le plaisir. Ici, on se lance dans l’athlétisme comme on entre en religion. Il faut être prêt à tous les sacrifices pour se faire une place au sein de l’élite, dans un pays où 33 % de la population vit sous le seuil de pauvreté d’après la Banque mondiale.

Le vivier de coureurs est inépuisable. Selon plusieurs entraîneurs, une centaine de Kényans serait capable de réaliser les minima requis pour participer au marathon olympique, soit 2 h 08 min 10 s chez les hommes et 2 h 26 min 50 s chez les femmes. « La concurrence est si forte qu’il est plus difficile de se qualifier à l’intérieur de son groupe d’entraînement au Kenya que de gagner ensuite une épreuve en Europe », explique Thomas Capdevielle, responsable des tests antidopage au sein de l’Athletics Integrity Unit (AIU), un organe indépendant chargé du dopage en athlétisme.

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