Si le Rassemblement national (RN) est arrivé en tête dimanche 11 juin et espère renforcer encore son succès électoral aux législatives anticipées, les femmes y sont pour quelque chose, et cela pose question. Entre les élections européennes de 2019 et celles de 2024, le parti de Marine Le Pen a gagné dix points dans l’électorat féminin, passant de 20 % à 30 % (Ipsos). Un autre sondage (IFOP) avance même le chiffre de 32 %, les plaçant devant les hommes.
Nous en avons bel et bien terminé avec le gender gap, cet écart genré longtemps observé entre les comportements électoraux féminins et masculins. En France, la science politique repère quatre moments : la période d’apprentissage, de 1944 aux années 1970, où les femmes votent moins que les hommes et choisissent plutôt la droite – elles seront par exemple 61 % à voter pour le général de Gaulle en 1965 ; la période de stabilisation, des années 1970 au milieu des années 1980, où la participation et l’orientation politique des femmes et des hommes se rapprochent ; la période d’inversion, depuis la fin des années 1980, où les femmes participent plus que les hommes et font des choix politiques plus progressistes – ainsi, ce sont elles qui assurent à François Mitterrand sa réélection en 1988, en lui donnant 51 % de leurs voix contre 47 % pour les hommes.
Un fil rouge traverse toutes ces décennies, celui du rejet de l’extrême droite, c’est le radical right gender gap, théorisé par la chercheuse afro-américaine Terri E. Givens en 2005. Toutes les élections prises en compte, l’écart moyen entre le niveau de vote Front national (FN) des Françaises et des Français est de quatre points entre 1984 et 2002. Le 21 avril 2002, Jean-Marie Le Pen recueille 26 % des suffrages masculins contre seulement 11 % des suffrages féminins. Si seules les femmes avaient voté ce jour-là, le leader frontiste n’aurait pas été présent au second tour de l’élection présidentielle. L’antilepénisme s’avère alors maximal chez les femmes jeunes et diplômées, d’une part, et chez les électrices âgées et catholiques, de l’autre.
Un « effet Marine »
Comme l’a montré la politologue et sociologue Mariette Sineau, on a pu parfois expliquer la réticence des femmes à voter pour le FN par un argument psychologique (et essentialisant) : la socialisation des filles, éduquées à l’obéissance et au souci pour autrui, expliquerait qu’elles soient plus réticentes, à l’âge adulte, à voter pour des extrêmes. On a plus souvent mobilisé l’argument socio-économique : plus précaires, les femmes sont les premières bénéficiaires des aides sociales et, conséquemment, plus favorables aux partis qui les soutiennent. S’est ajoutée à cela l’idée que ces mêmes partis sont aussi ceux qui sont les plus ouverts aux thèmes et aux combats féministes.
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