« Les pouvoirs du gouvernement sont trop importants pour être confiés à quiconque pourrait ne pas respecter l’Etat de droit »

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Denis Baranger, professeur de droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas, est l’auteur de La Constitution. Sources, interprétations, raisonnements (Dalloz, 2022) et du Droit constitutionnel (« Que sais-je ? », PUF, 2017). Il codirige le blog « Jus Politicum », dont les billets ont été publiés en 2023 par les éditions Panthéon-Assas (Les Démocraties face au Covid, avec Cécile Guérin-Bargues et Olivier Beaud).

Comment analysez-vous la décision de dissolution prise par le président de la République ?

Ce geste est à l’évidence lourd de conséquences. La dissolution est une prérogative que le président de la République peut exercer de manière discrétionnaire, la Constitution lui imposant uniquement la consultation du premier ministre et des présidents des Assemblées.

En France, les dissolutions sont rares. Tout le monde a en tête le grand « raté » de la dissolution de 1997 par Jacques Chirac, qui conduisit à la cohabitation avec la gauche, Lionel Jospin devenant premier ministre. On m’a rappelé ce matin la phrase de Patrick Devedjian [1944-2020, député] à l’époque : « On était dans un appartement avec une fuite de gaz. Chirac a craqué une allumette pour y voir plus clair. » Aujourd’hui, l’étincelle pourrait emporter avec elle toute la maison.

Traditionnellement, la dissolution se comprend comme un appel au peuple mais là, le peuple vient de parler : il ne s’agit donc pas de cela. Ce n’est pas non plus une sorte de pari politique sur les prochaines élections comme dans une dissolution habituelle. Il se pourrait bien qu’Emmanuel Macron ait mis fin, par ce geste un peu hasardeux, à sa propre expérience politique, ce « monde d’après » qui n’aura été qu’une parenthèse. Il a sacrifié ses troupes et son propre mandat, du moins dans la pleine possession de ses prérogatives présidentielles. Il vient peut-être de mettre fin au macronisme.

Y a-t-il une logique institutionnelle à lier les échéances nationales françaises au résultat des élections européennes ? Ou doit-on analyser la dissolution, plus prosaïquement, comme un « coup » politique ?

Rien n’imposait de relier l’élection européenne et l’élection législative, qui est purement nationale : c’est le président qui a posé, avec la dissolution, une courroie d’entraînement entre les européennes, en général assez découplées de la politique nationale, et les institutions de la Ve République.

Il y a, malgré tout, une sorte de logique à la dissolution : il faut imaginer le sort qui aurait été réservé au gouvernement de Gabriel Attal, à l’Assemblée nationale, après les élections européennes. La vie lui était déjà difficile : elle serait devenue impossible. Les recompositions liées au résultat des élections européennes se seraient accélérées, avec, pour effet probable, la coagulation de forces oppositionnelles capables de renverser le gouvernement.

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