à droite, derrière le vaudeville, la gravité du choix d’Eric Ciotti

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Longtemps, la droite française a pu s’imaginer vivre des moments tout droit sortis d’une tragédie shakespearienne. Après l’aveuglement de Mai 68, le vieux général de Gaulle marchant au cœur de la lande irlandaise, dans un moment suspendu entre la fin du pouvoir et la mort. En 1976, Jacques Chirac claquant la porte de Matignon avant de poignarder dans le dos le président sortant, Valéry Giscard d’Estaing. A chaque décennie, son affrontement entre différentes branches de la famille : la vieille garde tentant d’écarter l’entourage de Pompidou, les chiraquiens se vengeant des balladuriens, les sarkozystes poussant dehors les chiraquo-villepinistes… Rien ne se jouait à fleurets mouchetés. Les couteaux étaient dégainés sous les yeux de Français préoccupés de voir quel héritier allait conquérir l’Elysée.

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Depuis l’élection de François Hollande, la famille gaulliste a quitté le pouvoir, sans abandonner les luttes fratricides. Copéistes contre fillonistes en 2012, fillonistes contre le reste du monde en 2017, Macron-compatibles contre tenants de la ligne historique… Mais, suprême humiliation pour ce parti qui a fondé et dominé la Ve République, ses drames politiques sont maintenant tournés en dérision.

A l’issue du scrutin européen du 9 juin, Eric Ciotti, président du parti Les Républicains (LR), a commis l’acte électoral le plus grave de l’histoire de sa formation en s’alliant avec l’extrême droite, irréductible ennemie du général de Gaulle. Mercredi matin, il se bunkérise en faisant fermer les portes du siège du parti devant les caméras. Et le trottoir devient un théâtre. La vice-présidente Florence Portelli et le député sortant du Lot Aurélien Pradié s’y précipitent, évoquent un « spectacle de fous » et ironisent sur le « SAMU », seul moyen de sortir le forcené. Quelques heures plus tard, la secrétaire générale Annie Genevard vient avec le double des clés et rouvre les portes.

Une pantomime

Jeudi, comme si de rien n’était, devant les mêmes journalistes, le député des Alpes-Maritimes réapparaît, se fait filmer dans son bureau blanc et vide, avant de se montrer à la fenêtre. Les vidéos sont relayées, « likées », accompagnées des smileys pop-corn… Loin du pouvoir, la tragédie devient une pantomime. Comme si les Monty Python réinterprétaient Hamlet et Le Roi Lear.

Une impression de vaudeville qui ne doit pourtant pas cacher l’importance du moment. Malgré les protestations unanimes des ténors, cette séquence, en apparence surréaliste, n’est pas du tout illogique. Car la soumission du président de LR au Rassemblement national (RN), un acte de survie personnel pour sauver sa circonscription, est surtout l’aboutissement d’une lente dérive sémantique et idéologique de la droite française.

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