Il n’aura fallu que quelques heures pour que, tels les enfants dans le roman d’Hector Malot, nous nous retrouvions « sans famille » : sans famille politique.
Nous ? Nous tous qui formions naguère la grande famille des Français attachés non seulement aux valeurs traditionnelles de la République – la démocratie, l’universalisme, la laïcité, la rationalité, la liberté d’expression, et la confiance dans les institutions qui les garantissent –, mais aussi à ces valeurs progressistes que sont le combat contre les inégalités, la solidarité avec les démunis et la lutte contre le racisme et l’antisémitisme.
Cette famille s’est longtemps reconnue dans une social-démocratie réformiste, de gauche ou de centre gauche. Réduite à peau de chagrin depuis l’instauration funeste de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), elle avait commencé à relever la tête dans la campagne pour les élections européennes grâce au programme porté par Place publique et adoubé par le Parti socialiste (PS). Mais la tête, aujourd’hui, nous l’avons dans le sable, au milieu du désert.
Il a suffi pour cela que, face à la spectaculaire avancée de l’extrême droite et à l’incompréhensible décision présidentielle de dissoudre l’Assemblée, la nouvelle actualité électorale pousse l’actuel irresponsable du PS à se mettre dans la roue d’une coalition portée par un parti – La France insoumise – qui s’est pourtant discrédité depuis des années aux yeux de tous les citoyens un tant soit peu raisonnables, et en particulier de tous ceux, juifs ou non-juifs, pour qui l’antisémitisme est une absolue ligne rouge.
Un parti qui ment, qui diffame, qui tord les mots ; un parti qui a soutenu les pires dictateurs pour peu qu’ils soient anti-américains ; un parti dont les propositions socio-économiques allient sans vergogne l’irréalisme à la démagogie ; un parti dont le chef vient de déclarer, au mépris de la réalité, que l’antisémitisme serait « résiduel » en France ; un parti qui prétend que la laïcité serait « islamophobe » et qui, sous le couvert de protester contre un massacre atroce, hurle au « génocide », au mépris du sens des mots, pour s’attirer les bonnes grâces des Frères musulmans et de leur vivier d’électeurs.
Un éléphant dans la pièce
Dans une tribune au Monde, le sociologue Michel Wieviorka imputait à une « radicalité républicaniste » le risque d’une rupture du « pacte républicain » contre la « radicalité nationaliste » de l’extrême droite, en raison du changement de pied des partis extrémistes face à l’antisémitisme. Sans réaliser que la première cause de la fuite des électeurs traditionnels de la gauche se situe bien plutôt dans la radicalité d’extrême gauche, cet éléphant dans la pièce que ne veulent pas voir ceux qui continuent à en appeler à l’union de la gauche alors que, de la gauche, sa fraction radicale n’a gardé que le nom, après en avoir abandonné les valeurs fondamentales.
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