Mercredi 12 juin, trois jours après le scrutin européen, une poignée de dirigeants nationaux-populistes européens se retrouvent à Bruxelles. Devant les caméras, ils se réjouissent de la nouvelle situation, « grâce à Macron ». Geert Wilders, du PVV néerlandais, lance : « C’est un bon ennemi. » Marine Le Pen renchérit : « Il va nous manquer ! » L’Italien Matteo Salvini regarde l’échange, tout sourire.
Cette petite scène résume bien l’enchevêtrement sans précédent qui s’opère entre la politique européenne et les arènes politiques nationales. En effet, les élections du 6 au 9 juin ont un impact sur deux tableaux.
D’une part, bien entendu, elles changent la composition du Parlement européen, où l’on constate un déplacement vers la droite, sans qu’il s’agisse pour autant d’un véritable glissement de terrain. D’autre part, de façon plus indirecte, le scrutin rebat les cartes pour les dirigeants nationaux réunis au sein du Conseil européen : qui gagne, qui perd, qui se voit contraint d’agir ? C’est ainsi qu’on peut comprendre ce paradoxe : la décision choc prise par le président français de dissoudre l’Assemblée nationale constitue le fait politique majeur de ces élections, et aussi du point de vue européen.
Regardons ces deux tableaux de plus près. Du côté du Parlement européen, pas de vraies surprises. Certes, les partis nationalistes auront environ un quart des élus. Mais malgré cette percée pressentie, ils peinent depuis longtemps à former un bloc solide au niveau européen. Des différends historiques et des méfiances mutuelles – par exemple entre les Polonais nationalistes, résolument anti-russes, et les Hongrois du Fidesz, proches du Kremlin – les ont empêchés de dépasser le stade des déclarations d’intention, au moins jusqu’à présent.
Situation inédite
Le centre politique, lui, tient bon. Dans le nouveau Parlement, les trois familles politiques que sont les démocrates-chrétiens (PPE), les sociaux-démocrates (S&D) et les libéraux (Renew) conservent leur majorité actuelle (environ 400 sièges sur 720). C’est le fait décisif du scrutin, qui va déterminer le fonctionnement du nouveau Parlement ainsi que la présidence et le programme de la prochaine Commission européenne d’ici à 2029.
Avant les élections, l’aile droite du PPE, prisonnière d’une coalition trop progressiste avec le S&D et Renew, courtisait le groupe de la première ministre italienne, Giorgia Meloni, comme potentiel nouvel allié à sa droite. Les partenaires de gauche de Mme von der Leyen l’ont néanmoins avertie : chaque voix apportée par l’extrême droite à sa reconduction serait perdue parmi les leurs. Message reçu dès dimanche soir. La coalition actuelle du PPE, du S&D et de Renew entend poursuivre sa ligne, « pro-européenne, pro-Ukraine et pro-Etat de droit », comme l’a dit von der Leyen.
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