Si l’extrême droite n’était pas aux portes du pouvoir, on verrait d’un autre œil le chambardement qui vient de se produire à gauche. Une succession de retournements plus improbables les uns que les autres, décelant une bonne dose d’opportunisme mais quand même validés parce que l’urgence et la priorité sont de faire barrage au Rassemblement national (RN). Profondément divisée durant la campagne des élections européennes, la gauche est sortie, comme par un coup de baguette magique, réunifiée de la dissolution hasardeuse décrétée dimanche 9 juin par Emmanuel Macron.
Gommés comme par magie ces « mois de haine et de calomnies » dont Raphaël Glucksmann, le candidat Parti socialiste-Place publique, ciblé par Jean-Luc Mélenchon et ses amis, s’était ouvertement plaint ! Oubliés les désaccords existentiels sur l’Europe, l’Ukraine, le conflit israélo-palestinien, la lutte contre l’antisémitisme, le communautarisme ! Une cause a permis de dépasser toutes les querelles passées : faire barrage à l’extrême droite. C’est un réflexe historique, non négociable, profondément ancré dans les gènes de toutes les composantes de la gauche et cela explique qu’en moins de quatre jours, de La France insoumise à Place publique en passant par le PS, les Verts, le Parti communiste français, tous aient pu porter la bannière du rabibochage sans faire trop mauvaise figure.
La rapidité et la quasi-évidence avec lesquelles s’est opéré le mouvement avec la caution morale de Lionel Jospin, qui reste le dernier grand rassembleur, ont réduit à néant l’espoir que caressait Emmanuel Macron de casser la gauche en la mettant au pied de ses contradictions. Rédigé à la va-vite, sans aucun chiffrage, après quelques nuits de négociations sans sommeil, le projet de législature présenté jeudi 13 juin sous l’estampille du Nouveau Front populaire et aussitôt qualifié par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, de « délire total » n’avait pas la prétention de faire sérieux. Son objectif était de charger la barque de la rupture pour acter la mort du macronisme et tenter de structurer un affrontement direct avec le RN sur le terrain des valeurs.
Un retour en deux temps
L’autre coup de théâtre s’est produit, samedi 15 juin, lorsque le réformiste François Hollande, qui faisait jusqu’à présent figure de banni au sein de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale, a déclaré sa candidature aux législatives dans la première circonscription de Corrèze sous l’étiquette PS-Nouveau Front populaire sans que personne en interne soit en mesure de lui opposer la moindre résistance : ni Jean-Luc Mélenchon, son adversaire le plus irréductible au sein de l’attelage, ni le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, qui cherche depuis sept ans à s’émanciper du hollandisme.
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