dans la communauté kanak, des questions sur une jeunesse « à la dérive »

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Voir leurs enfants se soulever ne les a pas surpris. Nombre de parents kanak, indépendantistes ou non, savaient que le feu couvait depuis longtemps. Mais la forme très violente prise par les émeutes, qui ont débuté le 13 mai avec des pillages et des incendies massifs dans l’agglomération de Nouméa, provoque de profondes interrogations : comment répondre demain à cette jeunesse, urbaine, animée d’un fort sentiment identitaire et que les institutions, y compris la famille, ont laissé en déshérence ces dernières années ?

« Dans les communautés, beaucoup d’adultes ne comprennent pas que la jeunesse brûle tout, même les écoles ou les bâtiments religieux. Cette destruction tous azimuts ne ressemble pas à leur culture », témoigne Walles Kotra, journaliste retraité, auteur avec l’historien Louis-José Barbançon de A la recherche du nous (Au vent des îles, 2022). « Personne n’a fait attention au fait que Nouméa soit devenue la plus grande ville kanak de Nouvelle-Calédonie, où plusieurs générations sont présentes sans trouver leur place, tiraillées, presque déracinées, coupées des chefs, des responsables coutumiers, ou des mamans de la tribu », analyse cette figure du débat public, jointe par le Monde au début de l’insurrection, à Tiga, l’île dont il est originaire.

L’intellectuel septuagénaire refuse d’affirmer que les émeutiers ont été endoctrinés : « Ils n’ont pas besoin d’être instrumentalisés ! » Selon lui, ces jeunes ont « le sentiment qu’on veut les rendre invisibles dans un pays qui s’enrichit sans eux. Et, pour cette génération, “Kanaky” tient lieu de culture, d’identité. C’est leur raison d’être, et de façon beaucoup plus forte que ce ne le fut pour [leur] génération. Toutes proportions gardées, cela ressemble au fondamentalisme des banlieues ».

A Koné, dans le nord de la Grande Terre, Claire Neporoze Goah a créé son entreprise de formation, qui intervient, entre autres, auprès d’un public de jeunes des tribus à faible niveau de qualification ou éloignés de l’emploi : « Je voyais, depuis quinze ans, ce qui allait arriver. Dans cette population, il y a un manque de confiance en soi, beaucoup de colère et de peur, des addictions. Les taux de violences contre les femmes, d’accidents de la route, d’incarcération, sont trop élevés. Il s’agit d’une fracture sociale. J’appelais ça la “poudrière”. » Celle-ci a explosé.

« Nous sommes tous responsables »

« On ne peut pas dire que rien n’a été fait pour cette jeunesse, loin de là, mais elle affronte un vrai problème de sens et n’a pas trouvé son équilibre » dans la société de consommation qui l’entoure désormais, ajoute l’entrepreneuse. « Si on veut que l’éducation à l’humilité et au respect que nous développons fonctionne, il faut la voir se développer en face aussi », poursuit-elle. Cette mère de quatre enfants n’élude aucune responsabilité : « Nous sommes tous responsables, familles, institutions politiques, Etat, individus eux-mêmes. »

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