Madagascar et Predator, le contrat à 5 millions d’euros

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A Madagascar, l’Agence nationale antifraude (ANAF) a signé en décembre 2021 un contrat de 4,95 millions d’euros avec l’entreprise britannique Signum Intelligence Ltd, spécialisée dans la vente de matériels de cybersurveillance, et notamment du logiciel espion Predator. Le document d’une trentaine de pages, auquel Le Monde a eu accès, prévoit une prestation, avec une assistance technique, sur une durée de trois ans.

Celle-ci a été réglée à partir d’une ligne de crédit prise sur le budget de la présidence de la République. Cette transaction de gré à gré et destinée à « être tenue secrète », selon le rapport remis par l’agence à la Commission des marchés publics, porte sur la « fourniture de matériels techniques spécifiques relatifs à l’investigation pour la sécurité nationale ».

Une mission de « sécurité nationale » qui n’est pas dans les prérogatives officielles de l’ANAF. Ce que confirme son directeur et signataire du contrat, le général à la retraite et ancien chef d’état-major, Nirinjatovo Voahangy Andriamanalinarivo : « Notre mandat est de démanteler les réseaux de corruption qui prospèrent sur le commerce illicite des richesses de Madagascar, que ce soit le trafic d’or ou celui d’espèces protégées. Nous ne nous occupons pas de sécurité nationale. Le matériel ne nous était pas destiné, il a été remis à la présidence », explique-t-il.

« En toute légalité »

L’ANAF, qui emploie quelque 70 fonctionnaires détachés de la gendarmerie, de la police, des douanes, du ministère de la justice…, n’a pas en son sein d’experts capables de maîtriser les outils de cyberespionnage comme Predator.

Créée en janvier 2021, l’agence rend compte directement au président Andry Rajoelina. Ses bureaux sont situés dans l’enceinte du palais présidentiel à Iavoloha, ce qui peut en faire une commode boîte aux lettres pour de discrètes livraisons. A la différence des autres entités publiques dédiées à la lutte contre la corruption et à la fraude, l’agence, dont la mission est officiellement de « coordonner et de contrôler les services de l’Etat impliqués dans la lutte contre les fraudes » fait preuve de la plus grande discrétion et n’a publié aucun rapport depuis trois ans. Seule une collaboration avec le ministère des mines a été annoncée en mai, pour traquer le trafic d’or.

L’existence de ce contrat entre l’ANAF et Signum Intelligence confirme qu’après s’être rapprochées fin 2020 de la société française Nexa, alors chargée de la commercialisation du logiciel espion Predator, les autorités malgaches ont formalisé leur projet avec l’entreprise britannique fin 2021, comme l’avaient indiqué en octobre 2023 le site d’informations Mediapart et le consortium de journalistes d’investigation European Investigative Collaborations (EIC) dans le cadre de l’enquête « Predator files ».

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