« Minimiser le danger que représenterait pour les juifs l’arrivée d’une extrême droite au pouvoir est naïf et dangereux »

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Les déclarations récentes de Serge Klarsfeld qualifiant le Rassemblement national [RN] de « parti projuif » qui « soutient l’Etat d’Israël » et justifiant un vote éventuel pour cette formation face à un candidat La France insoumise [LFI] suscitent stupeur et tristesse chez nombre d’historiennes et d’historiens dont nous sommes. Est-il besoin de rappeler le rôle considérable qu’a joué Serge Klarsfeld pour la connaissance des mécanismes et de la responsabilité de Vichy dans la déportation des juifs ? La stupeur est redoublée d’incrédulité lorsque l’on a travaillé soi-même sur ces sujets.

On ne reviendra pas ici sur ce qui motive la déclaration de Serge Klarsfeld : qu’il y ait eu des prises de position plus qu’ambiguës, sinon antisémites, dans les rangs de LFI ne fait aucun doute, à commencer par certaines affirmations de son leader. Que ces prises de position soient le résultat d’un calcul électoraliste en direction d’un électorat arabo-musulman ou de préjugés plus enracinés ne change rien à leur gravité. Pour autant, minimiser le danger que représenterait aujourd’hui l’arrivée d’une extrême droite au pouvoir, pour les juifs et pour l’ensemble des minorités, est naïf et dangereux.

On pourrait critiquer la posture, bien peu universaliste, qui consiste à choisir un parti politique uniquement en fonction du soutien déclaré à une minorité. On pourrait également expliquer que la « mue » du RN en un parti respectable reste superficielle et que celui-ci n’a jamais véritablement condamné l’héritage historique dont il est issu, comme l’ont maintes fois rappelé politistes et historiens et historiennes de l’extrême droite.

Forme d’aveuglement

En se posant en « défenseurs autoproclamés des juifs de France », les dirigeants du RN ne veulent pas seulement faire sauter le dernier verrou de la dédiabolisation. Dans une posture symétrique à l’antisionisme affiché de certains dirigeants de LFI, ils tentent de séduire un électorat tétanisé par un antisémitisme dont la résurgence, plus qu’inquiétante, prospère sur fond de conflit israélo-palestinien.

Pourtant, céder à cette tentation ne peut être qu’une forme d’aveuglement consistant à ignorer le lien intime entre xénophobie et antisémitisme, amplement documenté par les travaux de Serge Klarsfeld lui-même. Faut-il rappeler que la plupart des politiques antijuives contemporaines ont été précédées de mesures à l’encontre des étrangers et que, en dépit de différences initiales souvent affichées par les Etats persécuteurs entre juifs dits « nationaux » et juifs étrangers, les discriminations finirent par se généraliser ?

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