La Côte d’Ivoire investit dans les énergies renouvelables sans tourner le dos aux hydrocarbures

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A Boundiali, dans le nord-ouest de la Côte d’Ivoire, une ferme d’un nouveau genre, recouverte de verre et d’aluminium, s’étend au milieu les champs de coton. Mercredi 3 avril, le pays a inauguré sa première centrale photovoltaïque, ou du moins la première phase du chantier. D’ici un an, près de 150 000 panneaux solaires plantés sur 78 hectares ensoleillés devraient générer 80 mégawatts d’électricité (MW).

Largement cofinancée par la banque de développement allemande KFW et l’Union européenne pour un coût total de 47 milliards de francs CFA (71,6 millions d’euros), la centrale solaire de Boundiali doit permettre à la Côte d’Ivoire de « fournir de l’électricité à plus de 430 000 personnes et d’économiser l’équivalent de 60 000 tonnes de CO2 par an », se félicite le ministre des mines et de l’énergie, Mamadou Sangafowa Coulibaly.

Pour les autorités, l’objectif est double : achever l’électrification du pays pour raccorder l’ensemble des Ivoiriens au réseau (94 % d’entre eux ont accès à l’électricité aujourd’hui), mais surtout accélérer la transition énergétique afin de respecter les engagements climatiques pris en 2021 par l’Etat, à savoir un mix énergétique composé à 45 % d’énergies renouvelables et une diminution des émissions de gaz à effet de serre de 31,4 % d’ici à 2030 par rapport à 1990. Sans pour autant renoncer à exploiter les gisements d’hydrocarbures découverts ces dernières années aux larges des côtes ivoiriennes.

Un rôle stratégique

Aujourd’hui, les énergies décarbonées représentent 31 % de l’électricité produite dans le pays, selon les chiffres officiels. Les sept barrages hydroélectriques en service constituent pour l’heure la principale alternative aux quatre centrales thermiques existantes. Parmi les nombreux barrages en projet ou déjà en construction, celui de Gribo-Popoli (sud-ouest) devrait être inauguré en juin et fournir 112 MW supplémentaires.

Dans le solaire aussi, les travaux se multiplient. La centrale de Boundiali, flambant neuve, ne sera bientôt plus la seule de ce genre, à en croire le ministre de l’énergie, qui cite une dizaine de villes dans lesquelles des fermes photovoltaïques vont apparaître d’ici peu, essentiellement dans le nord du pays. Dans cinq ans, « la part de l’énergie solaire sera de 9 % », prévoit-il.

Dans cette stratégie de diversification énergétique, la biomasse n’est pas négligée. Plusieurs initiatives émergent, dont celles portées par l’entreprise Biovea Energie, qui, en juillet 2023, a lancé à Aboisso (sud-est) la construction d’une centrale alimentée par les résidus de palmiers à huile. Prévue pour 2025, l’usine devrait être, avec ses 46 MW escomptés, « la plus grande de la sous-région ouest-africaine », se réjouit le gouvernement. Des projets pour le réemploi des tiges de coton à Boundiali (25 MW) ou des cabosses de cacao à Gagnoa (20 MW) sont également à l’étude.

Toutes ces initiatives, achevées et en cours, s’inscrivent dans le Plan directeur production 2014-2040, dont l’objectif est d’assurer une capacité de production électrique de 4 600 MW. « Nous sommes aujourd’hui à 2 907 MW de puissance installée », rapporte Ehouman Kalifa, directeur général de l’énergie au ministère des mines, du pétrole et de l’énergie.

Présent lors de l’inauguration à Boundiali, le premier ministre, Robert Beugré Mambé, a rappelé l’intention du président Alassane Ouattara de « faire de la Côte d’Ivoire le réservoir énergétique de l’Afrique de l’Ouest ». Le pays joue déjà un rôle stratégique dans la sous-région en vendant près de 10 % de son électricité à ses voisins, le Ghana et le Mali en tête.

Mégagisements offshore

Mais pour maintenir ce statut de pays fournisseur tout en répondant aux besoins croissants de la population et de l’industrie, difficile de se passer des ressources pétrolières et gazières colossales dont le pays dispose. Les mégagisements offshore Baleine et Calao, découverts respectivement en septembre 2021 et mars 2024, constituent une manne considérable, de quoi doter les Ivoiriens d’une « énergie abondante et abordable », promet le gouvernement. Exportatrice de pétrole d’ici quelques années, lorsque la production tournera à plein régime, la Côte d’Ivoire entend intégrer l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) et faire de l’industrie extractive le deuxième moteur de sa croissance après l’agriculture.

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« Avec les besoins de développement actuels, on ne peut pas renoncer aux énergies fossiles », concède Wanignon Ferdinand Fassinou, maître de conférences en politiques énergétiques à l’université Félix-Houphouët-Boigny d’Abidjan. Le développement de l’industrie minière, des usines de transformation des ressources agricoles (cacao, anacarde, hévéa) ou encore du réseau de transport sont autant de secteurs qui illustrent cette dépendance aux énergies bon marché carbonées.

D’autant que certaines énergies renouvelables, comme l’éolien ou le solaire, sont par nature intermittentes et ne peuvent couvrir l’ensemble des besoins à elles seules. Sans vent ni soleil, c’est la combustion thermique qui donne la lumière. Pour la Côte d’Ivoire, comme dans la plupart des pays émergents, les énergies renouvelables vont donc s’additionner à celles d’origine fossile plutôt que les remplacer.

Malgré les mises en garde de plusieurs ONG écologistes internationales, l’innovation technologique est vue comme un possible trait d’union entre décarbonation et production d’hydrocarbures. C’est en tout cas l’intention du gouvernement, qui aurait reçu du groupe pétrolier italien Eni, coexploitant des gisements Baleine et Calao avec la société ivoirienne Petroci, des garanties pour « minimiser les émissions de gaz à effet de serre lors de la production ». A partir de technologies capables de capter le CO2 émis, Baleine devrait être le premier projet d’hydrocarbures « zéro émission de gaz à effet de serre en Afrique », assure la major italienne.

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