« Le programme économique du RN propose un “package” à chaque segment de son électorat »

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Chargé de recherche CNRS au Cevipof, le Centre de recherches politiques de Sciences Po, Gilles Ivaldi travaille sur les partis de la droite radicale et le populisme en Europe occidentale. Il a publié, notamment, Les Populismes aux élections européennes de 2019. Diversité idéologique et performances électorales (Fondation Jean Jaurès, 2020).

Au-delà du détail des mesures économiques et sociales présentées par le Rassemblement national (RN) dans son programme, comment qualifieriez-vous la place de l’économie dans la stratégie et la vision politique de ce parti, et, historiquement, dans celle du Front national (FN) ?

Les politistes ont forgé le terme d’« attrape-tout » pour désigner la stratégie souvent utilisée par les partis populistes pour conquérir et additionner les suffrages des différents segments de l’électorat, et parvenir ainsi au pouvoir – cela, bien sûr, aux dépens de toute cohérence idéologique ou doctrinale. Lorsqu’on examine en détail les programmes successifs du FN, puis du RN, depuis la fondation du mouvement, on perçoit une oscillation permanente selon trois grands axes de tension : entre l’économique et le non-économique, entre les mesures « de droite » et « de gauche », entre radicalité et crédibilité.

Historiquement, le FN a mobilisé, comme beaucoup de partis d’extrême droite en Europe, sur une « niche » culturelle : la défense de l’« identité » nationale face à l’immigration. L’économie est secondaire, pour le parti comme pour son électorat des débuts. Mais, en 2011, Marine Le Pen choisit l’économique et le social comme axes prioritaires : le FN doit « marcher sur ses deux jambes », dit-elle. Le programme de 2012 s’ouvre symboliquement sur le thème du pouvoir d’achat. Dans celui de 2022, les trois quarts des mesures sont économiques et sociales. Pourquoi ? Parce que cela correspond aux préoccupations de l’électorat du parti. Le triptyque du vote FN, « immigration-insécurité-chômage », défini initialement par mon collègue Pascal Perrineau, s’est par la suite mué en « pouvoir d’achat-immigration-insécurité ».

Les mesures proposées par le FN, puis le RN, relèvent-elles d’un agenda ultralibéral, comme le soupçonnent les économistes de gauche, ou bien d’un agenda démagogique, comme le dénoncent les économistes libéraux ?

Au fil du temps, le parti a adapté ses propositions à la conjoncture économique et aux opportunités qu’offraient les crises successives – la crise financière de 2007-2008, la crise de l’euro de 2010-2013, la crise inflationniste depuis 2022 –, mais aussi aux transformations de son électorat.

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