Législatives 2024 : des programmes économiques désinhibés

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Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, décidée le 9 juin par Emmanuel Macron, la France semble être entrée dans un monde parallèle. Alors que pendant les semaines qui ont précédé ce coup de tonnerre politique le débat portait sur l’ampleur des économies à trouver pour le budget 2025 qui s’annonce périlleux à boucler, la perspective des élections législatives et d’un changement potentiel de majorité a totalement désinhibé les partis politiques sur le contexte budgétaire. Les oppositions, mais aussi la majorité, se sont lancées dans une surenchère de dépenses, comme si le coup de poker d’Emmanuel Macron avait agi telle une ardoise magique sur les engagements financiers du pays.

A lire les bribes de programmes qui peinent à émerger, notamment en raison de la précipitation dans laquelle s’organisent ces élections législatives, le pays disposerait soudainement de marges de manœuvre insoupçonnées pour résoudre les problèmes des Français. Le décalage entre les promesses des uns et des autres avec la réalité des comptes publics est saisissant. La France affiche un déficit budgétaire de 5,5 % du PIB, devra emprunter en 2024 près de 300 milliards d’euros sur les marchés financiers, la dette totale s’élève à 3 200 milliards, avec une charge des intérêts dépassant 52 milliards. Ces chiffres, pourtant inédits, n’empêchent pas les différentes listes de proposer des programmes de dépenses non financées dont l’unité de mesure est la centaine de milliards d’euros.

La Commission européenne a joué les trouble-fêtes, mercredi 19 juin, en annonçant son intention d’ouvrir une procédure pour déficit excessif à l’encontre de la France. Certes, le pays est accompagné par six autres dans ce purgatoire budgétaire, mais l’effervescence préélectorale actuelle risque d’aggraver une situation déjà problématique.

L’extrême droite se trouve prise au piège de ses postures confortables adoptées ces dernières années, lorsque le pouvoir semblait une hypothèse lointaine. Même amendé au gré des revirements quotidiens de ses dirigeants, le programme du RN reste incompatible avec le cadre européen, sur le plan tant réglementaire que budgétaire. Si le projet politique du Nouveau Front populaire n’a rien à voir avec celui de l’extrême droite, la relance keynésienne qu’il envisage pose également question. Son coût varie du simple au double selon les différentes composantes de l’alliance et les hypothèses du programme commun retenues.

« Toujours plus »

Quant à la majorité présidentielle, qui, depuis des mois, assure que le « quoi qu’il en coûte » est terminé et que l’heure est aux économies, elle trouve encore, avec cette élection, le moyen de proposer de nouvelles dépenses. La crédibilité du gouvernement en la matière avait elle-même été entamée ces derniers mois, notamment par sa mauvaise appréciation du ralentissement de la croissance qui l’avait conduit à surestimer de 21 milliards d’euros les recettes fiscales en 2023, ce qui a fait dérailler la trajectoire avec un déficit beaucoup plus lourd que prévu.

Cette surenchère n’est pas un signe de bonne santé de notre démocratie. Elle laisse aux électeurs la sensation d’être pris pour des naïfs. Elle projette une image désastreuse du pays au sein de l’Union européenne. On ne peut pas prétendre être attaché à l’Europe tout en présentant des programmes qui bafouent ses règles. Ces dépenses sans limites révèlent une incapacité à penser l’action politique en dehors d’un « toujours plus » qui, d’évidence, a échoué à rendre le pays plus prospère et les Français plus heureux. Cette France hors-sol ne peut que nourrir la frustration et la rancœur.

Le Monde

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