Il est 10 heures, ce mercredi 19 juin, quand Raphaël Glucksmann, éternel costume bleu nuit et chemise blanche, saute dans le TGV en direction de Marseille. Après dix jours de cure médiatique – à l’exception d’un entretien à France Inter, vendredi 14 juin, pour soutenir du bout des lèvres le Nouveau Front populaire –, l’eurodéputé de Place publique est reparti en campagne pour les élections législatives anticipées du 30 juin et 7 juillet. Ce jour-là, dans la cité phocéenne, il est venu soutenir la secrétaire générale de son parti, Place publique, Pascaline Lécorché, et le socialiste Laurent Lhardit, tous deux candidats.
Alors qu’on le croyait disparu, possiblement sacrifié par ses partenaires à gauche sur l’autel d’une alliance qu’il n’avait pas désirée, le voilà reparti sur les chapeaux de roues. Jeudi 20 juin, il était à Clichy (Hauts-de-Seine) au côté de Raphaël Pitti, candidat Place publique aux législatives et médecin d’urgence, rentré de Gaza début février. L’eurodéputé ira ensuite épauler une kyrielle de socialistes, parmi lesquels Jérôme Guedj dans l’Essonne, Valérie Rabault dans le Tarn-et-Garonne et Nicolas Mayer-Rossignol à Rouen. Pas question, en revanche, d’accompagner un « insoumis ». « Je vais sur le terrain pour défendre des députés dont je suis certain », martèle celui qui pourfend sans relâche Jean-Luc Mélenchon.
Dans la voiture-bar du TGV, deux électrices résument les critiques que suscite l’alliance à gauche. Le ralliement de La France insoumise (LFI) ne passe pas. « On a voté pour vous aux européennes. Mais on se trouve pris au piège, personnellement LFI c’est impossible », se désole Pascale, ancienne professeure de français à Sciences Po (qui n’a pas souhaité donner son nom, comme ceux que nous avons interrogés). « Le problème, c’est que c’est Macron qui dissout. On n’a que quatre jours pour s’organiser », justifie Raphaël Glucksmann. « On ira, mais en grinçant des dents », promet la Parisienne. Frédérique, une autre retraitée, qui vit à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), avait porté tous ses espoirs dans le candidat : « On a toujours été de gauche, nous sommes juifs et désespérés », lui dit-elle, faisant référence aux accusations d’antisémitisme dont Jean-Luc Mélenchon est la cible. Une semaine après les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre, cette dame blonde au pull rose fluo a retiré la mézouza qui ornait sa porte.
Pour Raphaël Glucksmann, la pilule de la nouvelle coalition à gauche est tout aussi difficile à avaler. Quand Emmanuel Macron lance, le 9 juin au soir, la « grenade dégoupillée » de la dissolution, l’eurodéputé est sonné. Sa victoire chèrement gagnée s’envole en quelques instants. Aussitôt, il apprend à ses dépens les lois de la realpolitik : le premier secrétaire du Parti socialiste (PS), Olivier Faure, qui avait dit un mois plus tôt sur Sud Radio, qu’il n’y aurait plus d’alliance avec Jean-Luc Mélenchon, tourne casaque et tend la main à ses anciens partenaires. L’urgence est de sauver les sièges à l’Assemblée nationale. Lui aussi doit se faire réélire.
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