à Carmaux, la « volonté de dégagisme » effraie les héritiers de Jaurès

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Elle semble bien petite, la statue de Jean Jaurès, émergeant des nombreuses voitures garées sur la place Gambetta, au centre de Carmaux (Tarn). Le vendredi, cette place accueille le marché. Les autres jours, le stationnement y est gratuit, comme dans la plupart des rues de l’ancienne ville minière. Le maire actuel, Jean-Louis Bousquet (divers gauche), a cependant lancé un « grand plan d’attractivité » et veut « végétaliser les places centrales, virer les voitures, redonner leur place aux commerces ».

Jean-Louis Bousquet, maire de Carmaux (Tarn), le 18 juin 2024. Jean-Louis Bousquet, maire de Carmaux (Tarn), le 18 juin 2024.

En cet après-midi de juin, beaucoup de magasins sont, de fait, fermés sur la place Gambetta. Jean Jaurès, la grande figure du socialisme français, tend un bras vers le ciel, au-dessus des voitures, mais le message de celui qui fut le député de la circonscription à plusieurs reprises entre 1898 et 1914, y construisant ses luttes, lors de grèves dont les plus marquantes furent celles de 1892, à la suite du licenciement du mineur Jean-Baptiste Calvignac, semble comme brouillé.

Le 9 juin, à Carmaux, le Rassemblement national (RN) a réalisé un score de 37,4 % aux européennes. Plus de 44 % à Blaye-les-Mines, à deux pas de là, où, de 1985 à 1997, on a exploité à ciel ouvert le « charbon de Carmaux », l’un des plus riches de France.

Mais les mines ont fermé. La population a vieilli. Les jeunes ne restent plus au pays. En vingt ans, Carmaux a perdu 5 000 de ses 15 000 habitants et pas mal de ses idéaux de gauche. « Il y a un tel matraquage contre le pouvoir ! », regrette Jean-Louis Bousquet. « Oui, au pays de Jaurès, on assiste à une volonté de dégagisme. Les militants RN, ici, on ne les voit jamais, mais ça vote pour eux… J’avoue être très inquiet », explique cet agrégé de mécanique, entré en politique en 2020.

Ce même jour de juin, des militants du RN tractent d’ailleurs en ville. « Il y a dix ans, c’est vrai, on se cachait. Aujourd’hui, tout le monde nous parle », se félicite Raymond Bessou, 78 ans, ancien chef d’entreprise dans l’automobile et fervent militant du parti lepéniste. « On nous a ruinés. La posture du RN, c’est défendre les petits. On l’entend, dans les campagnes, ici à Carmaux, les gens n’en peuvent plus, ils veulent du neuf », précise-t-il.

« Le plus gros employeur, c’est Emmaüs »

Pouvoir d’achat, lutte contre les grandes surfaces, sentiment d’insécurité, promesses non tenues des différents élus : cet originaire de l’Aveyron, ancien membre de l’UMP, égrène les symptômes identifiés par son parti. A ses côtés, Emilia Ferrao, 64 ans, élue à la mairie de Graulhet, dans le même département, lance cette étrange formule : « On a juste un problème sur les panneaux d’affichage, mais ce n’est pas les socialistes qui bousillent nos affiches, ce sont les escargots ! » Histoire de dire que, dans la circonscription, les militants de gauche ont abandonné le terrain. « Beaucoup d’entre eux votent même Bardella, c’est une évidence », lance-t-elle.

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