« Si les politiques et les lois du RN sont contraires au caractère républicain de nos institutions, il pourra être nécessaire de désobéir »

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Serge Slama est professeur de droit public à l’université Grenoble-Alpes, membre du Centre de recherches juridiques et chercheur affilié à l’Institut Convergences Migrations. Il a notamment publié Les Discriminations selon l’origine (La Documentation française, 2009).

Si le Rassemblement national (RN) obtient, aux législatives des 30 juin et 7 juillet, une majorité absolue à l’Assemblée nationale, il pourra appliquer une partie de son programme législatif. Quelles sont, en matière de droits des étrangers, les mesures qui représenteraient la rupture la plus forte ?

Depuis l’avènement du Front national, dans les années 1980, les fondamentaux de ce parti d’extrême droite n’ont guère varié en matière d’immigration et d’asile : préférence nationale dans l’accès à certains emplois, à l’aide sociale et au logement social ; remise en cause du droit du sol et des droits des binationaux ; suppression de l’aide médicale de l’Etat ; réduction drastique de l’immigration légale, des régularisations de sans-papiers et restrictions au droit d’asile ; limitation du regroupement familial ; expulsion systématique des étrangers jugés « indésirables », réinstauration de frontières nationales en sus des frontières « Schengen »

Ces propositions sont en rupture radicale avec les principes républicains – égalité, fraternité, droit d’asile constitutionnel –, mais aussi avec les droits et libertés fondamentaux « garantis à tous ceux qui résident sur le territoire de la République », pour reprendre l’expression utilisée par le Conseil constitutionnel depuis 1993. Elles sont aussi, pour nombre d’entre elles, contraires à nos engagements internationaux et européens. Le Rassemblement national en est d’ailleurs conscient, puisque son groupe à l’Assemblée a déposé, le 25 janvier, une proposition de loi constitutionnelle visant à faire prévaloir la loi française sur le droit européen – ce qui constituerait un véritable « Frexit » juridique.

La mise en œuvre d’un système de préférence nationale serait, selon les juristes, censurée par le Conseil constitutionnel. Si le RN souhaite l’appliquer, l’affrontement avec les Sages est-il inéluctable ?

Comme l’a dit Laurent Fabius, le président du Conseil constitutionnel, dans Le Monde [le 6 mai], la préférence nationale « appliquée de façon systématique est contraire à la Constitution ». Dans une décision du 11 avril, le juge constitutionnel a, en effet, écarté une proposition de référendum d’initiative partagée des parlementaires Les Républicains qui imposait aux étrangers non européens des durées de résidence pour un large éventail de prestations sociales : elle a été jugée contraire à la Constitution.

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