C’est l’aurore ce mardi de juin. La lumière du jour s’invite sur la place Abel-Surchamp de Libourne (Gironde), tandis que les maraîchers, traiteurs et marchands terminent l’installation de leurs étals. La fontaine au centre de la place offre un clapotis apaisant, les premiers rayons du soleil chauffent les visages des clients qui s’installent aux terrasses des cafés. La belle vie dans cette ville où le Rassemblement national (RN) est largement arrivé en tête aux européennes, avec 28 % des suffrages exprimés. A Saint-Emilion, la commune voisine, le parti d’extrême droite a dépassé les 31 %, et à Lalande-de-Pomerol, les 43 %. Dans le village de Vérac, le bloc des deux partis d’extrême droite, le RN et Reconquête !, a engrangé plus de 50 % des voix. Lundi 10 juin, au lendemain du scrutin, une partie des citoyens de la 10e circonscription de Gironde se sont réveillés avec la gueule de bois, et ce n’est pas la faute aux sulfites.
Hayet Zaher, née il y a quarante-huit ans en Algérie, est levée depuis plusieurs heures ce mardi, comme presque chaque jour de la semaine. Malgré le solstice d’été qui s’approche, il faisait encore nuit lorsqu’elle a chargé, dans sa Citroën Nemo jaune, ses énormes marmites, son couscoussier, pour installer son stand sur le marché. Pour 10 euros la portion, les Libournais peuvent se régaler de son savoir-faire culinaire maghrébin. Naturalisée française, Hayet ne s’émeut pas de la forte poussée du RN sur son territoire. Bien au contraire : la victoire du parti de la famille Le Pen, elle la soutient, elle l’appelle de ses vœux.
« La République française m’a accueillie, m’a ouvert ses portes, témoigne-t-elle. Je lui serai toujours loyale. Je respecte les règles, je travaille, je cotise et j’en suis fière. Ici, les gens en ont marre de la présence de ceux qui viennent leur nuire, marre des vols, du trafic de drogue. Et aujourd’hui, ce sont toujours les migrants. »
Un contrôle plus ferme aux frontières et l’application de la préférence nationale dans l’accès à certaines prestations sociales, qui figurent parmi les piliers du programme du RN, Hayet y adhère : « Il y a trop de tolérance vis-à-vis des étrangers. Ils profitent des aides de l’Etat sans participer à l’effort collectif ; cela a des conséquences sur nos retraites, notre système de santé. Si la décision était prise de leur fermer le robinet de l’aide sociale, ils ne viendraient plus mourir dans la Méditerranée pour y avoir accès. J’ai du sang arabe, mais je vote RN pour dire stop ! »
« Sentiment d’insécurité »
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