A Madagascar, une course contre la montre pour sauver les dernières forêts

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Il y a longtemps que la réserve spéciale d’Ambohitantely n’est plus qu’une citadelle assiégée, noyée dans une étendue sans fin de savane herbacée. Située à quatre heures de route au nord-ouest d’Antananarivo, elle abrite avec ses palmiers endémiques et ses orchidées une des dernières forêts denses des hautes terres de Madagascar, témoin de paysages aujourd’hui disparus. Des 56 kilomètres carrés sanctuarisés à sa création au début des années 1980, il n’en reste plus que 14, défendus pied à pied.

Ce matin, les villageois sont venus du fond de la vallée pour participer au débroussaillage des bandes de pare-feu qui entourent l’aire protégée. « Chaque année, il faut recommencer. C’est un travail fastidieux et coûteux pour lequel nous avons peu de moyens », explique le chef de secteur Razakaria Ramandason, employé par Madagascar National Parks (MNP), pour veiller, avec six autres gardes, sur ce dernier carré forestier.

D’ici quelques semaines, la saison des feux de brousse va débuter, transformant la savane en un tapis de cendres, synonyme bientôt pour les éleveurs de zébus de généreux pâturages et pour les paysans de nouveaux champs dans le sillage des défrichements. Vue du ciel, toute l’île donne alors l’impression de s’embraser.

Quelque 80 000 hectares de forêts naturelles se sont évaporés en 2023, transformés pour l’essentiel en cultures sur brûlis ou en charbon de bois pour une population en majorité rurale et sans accès à l’énergie. Année après année, la grande île de l’océan Indien, où se concentre 5 % de la biodiversité mondiale, perd inexorablement ses forêts. Près de la moitié a disparu en soixante ans et celles qui subsistent sont de plus en plus fragmentées, selon une étude publiée en 2018 par Ghislain Vieilledent, chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).

« L’inquiétude est là »

« Nous n’avons pas encore tout perdu. Mais l’inquiétude est là car nous sommes condamnés à jouer les pompiers sans avoir trouvé de solutions durables pour protéger les forêts », constate Bruno Rajaspera, directeur du bureau pays de l’ONG américaine Conservation International. Cette association n’est pas un acteur anodin à Madagascar. Elle est à l’origine de la plupart des grands engagements pris par le pays, comme la décision en 2002 de multiplier par trois la superficie des aires protégées pour atteindre 15 % du territoire national. Quelques années auparavant, Russell Mittermeier, primatologue employé par l’ONG et spécialiste des lémuriens, avait identifié Madagascar comme un des hot spots (« points chauds ») de la biodiversité mondiale sur lesquels l’urgence imposait de concentrer efforts et financements.

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