La bataille finale pour le Darfour a commencé. Depuis le 10 mai, les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohammed Hamdan Daglo, dit « Hemetti », ont multiplié les offensives sur El-Fasher, la dernière ville de la région encore contrôlée par les Forces armées soudanaises (FAS) dirigées par le général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane. La prise de la capitale du Darfour du Nord offrirait aux FSR une mainmise quasi-totale sur le tiers occidental du Soudan, un territoire aussi vaste que la France.
Près de 2 millions de civils sont pris au piège alors qu’aucune aide humanitaire ne parvient à se frayer un chemin à travers les lignes de front. Deux semaines après que le Conseil de sécurité des Nations unies a appelé à la fin des combats et exhorté les FSR à lever le siège, les obus continuent de pleuvoir sur El-Fasher. « Personne ne sait si demain on se réveillera vivants. Les tirs d’artillerie tombent en permanence, à l’aveugle », relate Mohammed Ayoub, résidant dans le camp d’Abou Shouk au nord-ouest de la ville, joint par téléphone.
« Les combats à El-Fasher se déroulent au cœur de zones densément peuplées, incluant les camps de déplacés. Les assauts sont menés sans distinction entre cibles militaires et civiles. Nous avons documenté le bombardement de zones résidentielles, de bâtiments publics, par les FSR qui ont attaqué plusieurs hôpitaux », décrit Mohamed Osman de Human Rights Watch.
Le 8 juin, les paramilitaires ont pris d’assaut l’hôpital du sud d’El-Fasher, ouvrant le feu dans l’enceinte, pillant les stocks de médicaments et l’ambulance de Médecins sans frontières (MSF), forçant le personnel et les patients à évacuer les lieux. Le 21 juin, l’hôpital saoudien, seul établissement de la ville encore en état d’accueillir des blessés, a été touché par une dizaine de tirs de roquettes, tuant une pharmacienne et détruisant le stock de médicaments.
A l’intérieur, « c’est le chaos », confie un soignant qui a souhaité rester anonyme. « En une semaine on a reçu plus de 500 blessés, dont beaucoup d’enfants touchés par des débris d’explosion. Soixante-seize sont morts. Les survivants s’entassent par deux, dos à dos, sur chaque lit », poursuit-il. Dimanche 23 juin au soir, les FSR ont détruit le seul centre hospitalier spécialisé dans les maladies rénales de la région.
Supériorité numérique écrasante
En six semaines, le seul bilan disponible fait état de 260 morts et plus de 1 600 blessés. Ces chiffres, largement sous-estimés selon les sources contactées sur place, pourraient être dix fois plus élevés. « La plupart des blessés et des cadavres ne parviennent pas jusqu’aux hôpitaux et les enterrements se font souvent à la va-vite à même les cours des maisons », détaille Anwar Omar Khatib, ancien journaliste à El-Fasher aujourd’hui membre des Cellules d’urgence, un réseau de bénévoles issus de la société civile.
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