Evelyne Marcelot, 71 ans, a travaillé quarante-six ans. Comme secrétaire dans l’usine Villeroy & Boch, installée à Nangis (Seine-et-Marne) au temps de sa splendeur, avant que la concurrence de pays à bas salaires ne conduise à sa fermeture. Puis à son compte, dans une mini-entreprise de services à la personne. Elle a profondément aimé habiter La Ferté-Gaucher (Seine-et-Marne), gros bourg tranquille de 4 800 habitants, où elle a été conseillère municipale pendant quelques années.
Mais elle n’aime plus sa ville, a mis sa maison en vente depuis de nombreux mois, sans succès, et envisage de fuir le chef-lieu de canton. « Parce que la population a changé. » Trop d’immigrés. Trop de femmes voilées. Trop de « cas sociaux », selon elle. L’électrice Les Républicains (LR), gaulliste dans l’âme, va voter Rassemblement national (RN) aux élections législatives. « Pour que ça tourne » dans les élites. Pour que « ça change dans le pays ». « Eric Ciotti a raison, mais il se fait tellement matraquer. Le RN aussi. Il faut qu’ils comprennent que plus on va leur taper dessus, plus ça nous donne envie du RN ! » Evelyne Marcelot rêve d’une alternance radicale, comme la gauche eut son mai 1981. Et comme à l’époque, rien n’apparaît plus mobilisateur, à ses yeux, que les discours sur le barrage à l’extrême droite, les menaces de chaos et la peur.
Il flotte un air de revanche, le désir d’une victoire qui n’est pas seulement électorale mais aussi identitaire, culturelle, dans les mots des électeurs de droite et d’extrême droite de la quatrième circonscription de Seine-et-Marne, où la liste de Jordan Bardella a obtenu 47,5 % des voix lors des européennes. Comme s’il s’agissait d’une sédimentation lente de déceptions, de colères, d’incompréhensions de ce qu’est devenue la société française. Au point que dans ce département de 1,4 million d’habitants, fief historique de barons politiques, à l’image d’Alain Peyrefitte, de Christian Jacob ou de Jean-François Copé, la droite est désormais menacée de disparition des bancs de l’Assemblée nationale.
Un air de revanche, donc. Comme il demeure un bout d’Amérique pour laquelle Trump s’est fait voler sa victoire en 2020, il existe une France pour laquelle François Fillon a été injustement éliminé de la présidentielle de 2017, premier acte de la lente décomposition de la droite française. « Fillon aurait dû devenir président en 2017, cela tenait la route, c’était la vraie droite, mais il a été empêché », regrette Evelyne Marcelot.
« Effet papillon » de l’affaire Fillon
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