Il y a beaucoup d’interrogations lors de cette campagne alsacienne du premier tour des élections législatives anticipées, mais une certitude semble partagée par l’ensemble des forces politiques et des observateurs : l’Alsace pourrait bien, cette fois-ci, envoyer des députés du Rassemblement national (RN) à l’Assemblée nationale. En 2022, le parti d’extrême droite était parvenu à accéder au second tour dans huit circonscriptions sur quinze, mais n’avait remporté aucun de ces duels (pour certains perdus avec moins de 10 points d’écart). Le 9 juin, lors du scrutin des européennes, la liste emmenée par Jordan Bardella a atteint les moyennes nationales dans le Bas-Rhin, et a frisé les 36 % dans le Haut-Rhin. Soit, pour les deux départements, près de 10 points de plus qu’en 2019.
Frédéric Bierry, le président (Les Républicains, LR) de la collectivité européenne d’Alsace – l’entité qui rassemble les deux départements depuis 2021 –, constate que le vote pour le parti d’extrême droite est devenu un « vote d’adhésion ». Et s’interroge sur le scrutin à venir : « Est ce qu’il y aura un sursaut des abstentionnistes ? Et si oui, dans quel sens, vers les modérés ou les extrêmes ? Le temps de la campagne est trop court : la logique de vote des européennes va se poursuivre, il n’y a pas le temps d’aborder le fond. »
Si deux circonscriptions strasbourgeoises semblent assurées pour le Nouveau Front populaire, qui espère même en rafler une troisième au macroniste Bruno Studer, la fracture entre la métropole et le périurbain ou les villages s’est encore accentuée depuis 2022, au profit du RN, et les députés sortants sont inquiets.
Alors que onze d’entre eux émargeaient à la majorité présidentielle, aujourd’hui, aucun ne fait campagne en revendiquant cette étiquette. Tous poussent en avant leur ancrage local ou leur présence sur le terrain ces deux dernières années et le « danger des extrêmes ». La semaine dernière, Edouard Philippe est venu soutenir les trois élus Horizons. Le devenir des circonscriptions dépendra bien sûr de la possibilité et de l’envergure d’un front républicain au second tour, mais y accéder est loin d’être gagné pour les sortants. En deux ans, certains députés n’ont pas eu le temps d’asseoir leur légitimité et de créer un lien fort avec leur circonscription.
« Un véritable enracinement »
La crainte d’un élan favorable au RN dans la dynamique des européennes est partagée par Caroline Reys, élue écologiste à Sélestat (Bas-Rhin), ville de 20 000 habitants située entre Strasbourg et Colmar. Cette élue au contact du terrain est préoccupée et à bout à force d’entendre des « Parce qu’on n’a jamais essayé » pour justifier les votes RN. Elle-même n’est pas candidate mais en campagne aux côtés du Nouveau Front populaire dans les 5e et 6e circonscriptions du Bas-Rhin, des territoires en partie viticoles, où deux jeunes élus se représentent sous l’étiquette Ensemble : « Lorsque j’ai tenu le bureau de vote le matin des européennes, j’ai croisé des gens que je n’avais jamais vu voter avant. J’ai compris en voyant les résultats de mon bureau. Il est clair que ces personnes ont voté pour la liste Bardella, il est clair qu’ils vont se remobiliser pour les législatives et il est clair qu’on aura des députés RN en Alsace. »
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