La scène se déroule à l’entrée du marché du quartier des Gratte-Ciel, au cœur de Villeurbanne (Métropole de Lyon), dans la matinée du mardi 25 juin. Plusieurs électeurs de cette terre de gauche apostrophent Gabriel Amard. Ils confient au député sortant (La France insoumise, LFI), investi par le Nouveau Front populaire, leur lassitude à l’égard de Jean-Luc Mélenchon. Daniel, 45 ans – qui a souhaité rester anonyme – reproche au leader de LFI « son jeu de mots douteux » lorsqu’il disait de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qu’elle « campait » en Israël après l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre 2023. « Que des jeunes défendent leurs frères Palestiniens, c’est normal, mais qu’ils sombrent dans l’antisémitisme, ça ne va plus. Votre travail pédagogique n’est pas suffisant. M. Mélenchon n’est pas assez clair », signale Daniel au candidat en campagne.
« Il n’y a aucun antisémitisme. Il l’a dit. Il l’a écrit sur son blog. On veut nous enfermer dans ce faux procès. Nous sommes tous semblables en humanité », défend Gabriel Amard. Le gendre de Jean-Luc Mélenchon reprend sa campagne. Il brandit ses tracts et harangue la foule : « Pour bloquer les prix, augmenter les salaires, on vote Front populaire ! »
L’instant d’après, Jos, 70 ans, l’aborde et dénonce l’« exclusion des “insoumis” juste parce qu’ils donnaient un avis différent », en faisant allusion à Raquel Garrido et Alexis Corbière, députés sortants écartés de l’investiture. « C’est un récit médiatique. C’est un discours construit pour nous nuire. Ils ont eu envie de se singulariser. On va demander au PS [Parti socialiste] comment ils choisissent leurs candidats ? », s’énerve Gabriel Amard. La dame insiste : « Peut-être, mais vous allez avoir du mal avec ça. J’entends beaucoup autour de moi “tout sauf LFI”. Il faut en tenir compte. » Gabriel Amard hausse le ton : « Jean-Luc Mélenchon fait peur à la caste et à l’oligarchie, c’est tout. » Pour le député sortant, « ces attaques incessantes détournent la campagne pour mener le pays au chaos », et les états d’âme des électeurs de gauche ne seraient que le fruit du « travail de sape des journalistes ».
« Un processus destructeur »
A Villeurbanne, les hésitations sont pourtant palpables dans l’électorat de gauche. « Si le seul barrage contre le Rassemblement national c’est voter LFI, bien sûr je vote pour eux, même s’ils s’appuient trop sur le communautarisme, même si ce n’est pas l’évidence pour moi. Voter à gauche pour contrer l’extrême droite, c’est une revanche de l’histoire. On a trop souvent voté pour des candidats de droite pour sauver la mise, les Chirac ou les Macron, ça suffit ! », souffle Jean-Jacques Laurent, 67 ans. « On oublie un peu vite que Mélenchon a remis les classes populaires dans la gauche. Bien sûr, certains sujets dérangent, mais il faut arrêter de dramatiser et juste revenir à la justice sociale ensemble », plaide pour sa part Rachid Messaoudi, 57 ans, militant socialiste en faveur de l’union à gauche.
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