à La Réunion, « les fachos ne sont pas des fachos, mais des fâchés »

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La dissolution surprise, les enjeux électoraux de cette 3e circonscription de La Réunion, les inquiétudes sur la possible arrivée au pouvoir du Rassemblement national (RN)… Jean-René Andoche, 57 ans, fait poliment comprendre qu’il a des préoccupations plus urgentes. Et puis il y a cette évidence. « Zot i voi bien koman la situation i tourne », élude en créole ce jovial quinquagénaire barbu, emmitouflé dans un sweat à capuche. Sortant de la Supérette du Volcan, dans le village de Bourg-Murat, situé sur les hauteurs de la commune du Tampon, M. Andoche installe soigneusement ses derniers achats sur son scooter. Avec sa compagne, Suzie, 65 ans, casque rose sur la tête, il s’apprête à affronter la fine pluie et le « frais » de l’hiver australCet ouvrier agricole, qui a perdu deux doigts dans un accident du travail et qui vit du RSA, complété par de petits travaux non déclarés « depuis 1986 », dresse un constat sur le ton d’une évidence : « Les gens ne votent plus, ils sont découragés. » Lui-même fuit les isoloirs depuis « vingt-quatre ans ». « Sauf pour les dernières municipales » dans la commune voisine, uniquement parce que le maire est un « ancien camarade ».

Jean-René et Suzie sortent de la Supérette du Volcan, où ils sont venus faire leurs courses à scooter du village voisin. Une fois le coffre rempli sous la selle, les derniers achats tiendront entre les jambes du conducteur. Suzie écoute son mari parler en levant les yeux au ciel. Le Tampon (La Réunion), le 18 juin 2024. Jean-René et Suzie sortent de la Supérette du Volcan, où ils sont venus faire leurs courses à scooter du village voisin. Une fois le coffre rempli sous la selle, les derniers achats tiendront entre les jambes du conducteur. Suzie écoute son mari parler en levant les yeux au ciel. Le Tampon (La Réunion), le 18 juin 2024.

Au Tampon (85 000 habitants), il n’est pas le seul à exprimer un profond rejet de la politique : l’abstention a atteint ici 70,35 % lors des européennes. Dans cette circonscription rurale et historiquement peuplée par les « yab », les « petits Blancs des hauts », comme on dit à La Réunion, la députée sortante, Nathalie Bassire (divers droite, Libertés, indépendants, outre-mer et territoires, LIOT), avoue « maîtriser difficilement la colère des gens » : « Ils sont fâchés. Ils disent que le gouvernement ne les écoute pas. »

Sur ces terres électorales conservatrices, considérées comme le grenier de La Réunion, cette défiance du pouvoir s’est exprimée lors du premier tour de l’élection présidentielle de 2022 par les bons scores de Jean-Luc Mélenchon (36,15 %) et de Marine Le Pen (30,41 %). Dimanche 9 juin, la liste de Jordan Bardella est arrivée très largement en tête au scrutin européen, avec 38,79 % des suffrages.

La députée sortante ne cache pas que la circonscription pourrait basculer à l’extrême droite. Même si les représentants réunionnais du RN n’ont jamais réussi à capitaliser sur leurs noms les succès de leurs chefs de file nationaux. En raison de querelles internes, le parti présidé par Jordan Bardella part divisé dans cette circonscription. D’un côté, Joseph Rivière, candidat peu connu des électeurs, mais dont les adversaires considèrent qu’il a le soutien du puissant maire du Tampon, André Thien Ah Koon, récemment déchu par une décision de justice. De l’autre, l’ancien candidat du parti en 2022, Didier Hoareau, pas investi cette fois, et qui s’est lancé sous ses propres couleurs.

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