Le nombre de migrants africains rapatriés de Tunisie vers leur pays connaît une forte augmentation depuis le début de l’année, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), sur fond de montée d’un sentiment anti-immigrés alimenté par un discours officiel aux accents xénophobes.
« Entre le 1er janvier et le 25 juin, l’OIM a facilité le retour volontaire d’environ 3 500 personnes depuis la Tunisie vers leur pays d’origine », soit une augmentation de 200 % par rapport à 2023 à la même période, a détaillé l’OIM, à Tunis, auprès de l’Agence France-Presse, qui précise que les principaux pays de retour sont la Gambie, le Burkina Faso et la Guinée.
Les migrants rapatriés bénéficient du « programme d’assistance au retour volontaire et à la réintégration » de l’OIM, avec notamment une prise en charge du trajet de retour ainsi qu’une aide à la réintégration dans leur pays. Le caractère « volontaire » de ces rapatriements est néanmoins contesté par les défenseurs des droits.
Pour Romdhane Ben Amor, porte-parole du Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), ces rapatriements sont le résultat d’une « politique antimigrants qui les voit comme une menace et contribue à leur précarité en les empêchant de travailler, de louer des appartements ou d’utiliser les transports publics ». Depuis un discours aux accents xénophobes du président tunisien Kaïs Saïed en février 2023, des milliers de ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne séjournant de façon irrégulière en Tunisie ont perdu leur logement et leur travail.
« Politique d’endiguement » européenne
Leurs conditions de vie se sont encore détériorées quand ils ont été chassés de grandes villes comme Sfax pour s’entasser dans des campements de fortune insalubres, sans aucune ressource, dans l’attente d’un hypothétique départ.
Selon M. Ben Amor, cette hausse des rapatriements est la conséquence de la « politique d’endiguement migratoire » voulue par l’Union européenne (UE). « L’UE a donné tous les moyens financiers, logistiques et techniques » à la Tunisie pour mettre en place cette politique, affirme-t-il.
A l’été 2023, l’UE et la Tunisie ont conclu un « partenariat stratégique » qui prévoyait une aide de 105 millions d’euros pour lutter contre l’immigration irrégulière, incluant le financement du « retour volontaire » de 6 000 migrants irréguliers.
La Tunisie est l’un des principaux points de départ des migrants qui risquent la périlleuse traversée de la Méditerranée pour rejoindre l’Europe. Selon le ministère de l’intérieur tunisien, environ 23 000 migrants irréguliers seraient actuellement présents dans le pays. Plus de 1 300 migrants sont morts ou ont été portés disparus en 2023 dans des naufrages au large des côtes tunisiennes, selon le FTDES.