« Donner la priorité aux Français » pour l’accès au logement social, afin de contrer la « préférence étrangère » qui y serait actuellement pratiquée : c’est ce que défend le Rassemblement national (RN). Son président, Jordan Bardella, l’a notamment évoqué le 7 mai sur France Inter, en prenant pour argument qu’« un tiers des immigrés, selon l’Insee, occupe actuellement un HLM ».
« Parler de préférence étrangère constitue un renversement complet de la réalité », énonce Valérie Sala Pala, enseignante-chercheuse à l’université Jean-Monnet, à Saint-Etienne, spécialiste des politiques urbaines : « Les travaux scientifiques s’accordent à constater des discriminations ethno-raciales dans l’accès au logement, privé et social. »
Jordan Bardella cite des chiffres de l’Insee collectés en 2019-2020, indiquant que 35 % des immigrés de 18 à 59 ans vivent dans un logement social ou intermédiaire (obtenu via l’employeur, par le 1 % logement), sachant qu’une partie des immigrés – nés à l’étranger de parents étrangers – ont acquis la nationalité française. Si les immigrés vivent plus en logement social que l’ensemble de la population (35 % contre 16 %), c’est parce qu’ils y postulent bien plus largement : selon l’« enquête sur l’accès aux droits » réalisée en 2016 par le Défenseur des droits, 46 % des sondés immigrés ayant cherché un logement dans les cinq années précédentes s’étaient orientés vers le logement social, contre 25 % pour l’ensemble de la population.
Et s’ils y candidatent autant, c’est parce qu’ils sont seulement 32 % à faire partie d’un ménage propriétaire de son logement (quand c’est le cas de 53 % de la population), et parce qu’ils ont plus de difficultés à se loger dans le parc privé, dont les loyers sont plus chers et où les discriminations sont marquées. Lors d’un testing réalisé en 2016 par des chercheurs rattachés au CNRS, 25 000 messages demandant à des propriétaires ou à des agences immobilières des informations sur des logements à louer ont été envoyés. Les profils des candidats fictifs étaient identiques, hormis leurs noms. Mohamed Chettouh a reçu 26,7 % de réponses en moins que Sébastien Petit.
« Discriminations systémiques »
Un autre testing, mené en 2022 pour la Fondation Abbé Pierre auprès de 1 875 guichets d’enregistrement des demandes de logement social, a montré qu’une simple demande de renseignements émanant d’une candidate au nom évoquant une origine africaine avait reçu 9,8 % de réponses en moins que celle présumée d’origine française. Valérie Sala Para donne aussi l’exemple d’une étude de 2012 parue en 2012 dans La Revue économique montrant que, « toutes choses égales par ailleurs ou presque, la durée moyenne d’accès à un logement social est plus longue pour les ménages d’origine non européenne que pour les ménages d’origine européenne ».
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