François Béranger est né, comme il le chantera dans Tranche de vie, dans un petit village à côté de Montargis, qui ne s’appelle pas Saint-Martin comme dans la chanson, mais Amilly. Ses parents s’installent à Paris, où il y a davantage de travail. Enfin, en banlieue, plus exactement. Maman Jeanne fait des travaux de confection, à domicile, payée à la pièce, Papa André est ouvrier, syndicaliste, chez P’tit Louis, c’est-à-dire chez Renault. Le contexte est celui du prolétariat, pauvre mais combattif.
Né en 1937, il connaît une enfance largement illustrée d’images de guerre, comme le bombardement des usines Renault de Billancourt par la Royal Air Force, le 4 avril 1943 : 300 morts, 1.500 blessés.
Il entre à son tour chez « P’tit Louis », en 1954, pas par atavisme, mais par conviction politique, et s’y emmerde, finalement. Puis devient comédien et chanteur en fondant une troupe semi-professionnelle dans le XIe arrondissement, qui s’appelle La Roulotte.
L’armée française et la guerre d’Algérie s’emparent de François Béranger dès 1958. D’abord un an à Berlin, puis dix-neuf mois en Algérie. Il vit alors des expériences indicibles, comme tant d’autres appelés de ce temps-là. Ses relations avec les autorités militaires sont très tendues. Je hais tous ces cons, écrit-il plus tard. Elles le recrachent en 1961, vide, lessivé de tout souvenir, comme vieux.
Notre Béranger fait un passage de quelques années au Service de la recherche de l’ORTF, créé et dirigé par un certain Pierre Schaeffer. C’est une époque instructive pour lui, mais son esprit d’indépendance ne s’y adapte pas tout à fait, le maître est un peu tyrannique. Il travaille ensuite dans des métiers artistiques du cinéma, tout en se mettant à écrire des chansons.
Ses débuts sur scène, il les fait lors des galas de soutien au Libération des débuts, celui de Sartre et des maos. Il est alors un ours bourré de trac. Ça s’arrangera par la suite, mais pas si vite. En 1968, Béranger enregistre son premier disque, un 45 tours, signé chez CBS dans le cadre d’un contrat de cinq ans, et qui présente la particularité de ne comporter qu’une seule chanson, Tranche de vie (Je suis né dans un p’tit village / Qu’a un nom pas du tout commun / Bien sûr entouré de bocage / C’est le village de Saint-Martin…). C’est-à-dire qu’il faut retourner le disque pour écouter la chanson en entier. Inédit, comme procédé. Évidemment, les radios n’en veulent pas, c’est trop long, mais cette chanson restera néanmoins une des plus emblématiques du répertoire de François Béranger.
Dès son premier 33 tours, paru en 1969, François Béranger s’installe dans le haut du panier de la chanson francophone, avec des titres comme Tranche de vie, Y’a dix ans ou Natacha. Plus tard, viendront Magouille Blues, Tango de l’ennui, Mamadou m’a dit… Quelques-unes de ses chansons ont eu les honneurs de la censure de l’ORTF.
La décennie 70 est pour Béranger très intense et très rock, avec les excellents musiciens réunis autour du guitariste et arrangeur Jean-Pierre Alarcen, qui auront marqué cette période de Béranger. Les formations qui l’accompagnent font avec lui presque cent concerts par an. Il a désormais un rapport à la scène qui ressemble à une addiction. Il adore raconter de longues histoires fantaisistes à son public, entre deux titres. Les disques s’enchaînent rapidement. Et puis peu à peu, ce qui est devenu l’industrie musicale, le show-biz, l’écœurent. Les éditeurs véreux également. Mais le succès est toujours là.
En 1973, on le voit dans L’An 01, film subversif, libertaire et culte de Gébé et Jacques Doillon, dont la proposition est, pour le dire vite : « On arrête tout, on réfléchit, on verra bien. » Béranger, qui a écrit la musique du film, y évolue parmi Choron, Cavanna, Cabu ou Wolinski de Hara-Kiri, mais aussi Higelin, Miou-Miou, Balasko, Depardieu et bien d’autres célébrités.
De façon quelque peu inattendue, mais très réussie, Béranger conclut sa carrière par l’enregistrement d’un album en hommage à Félix Leclerc, avant qu’un cancer du poumon ne l’emporte, à l’âge de 66 ans.
Pour en parler

Archives Ina
- La nuit au poste (France Inter, 01.06.1991)
- Radioscopie de Jacques Chancel consacré à François Béranger (France Inter, 22.06.1977)
Extraits diffusés
- L’An 01, film de Jacques Doillon et Gébé (1973)
- Tous ces mots terribles, film documentaire de Philippe Worms (1999)
Bibliographie et discographie sélectives
Bibliographie sélective
-
Je suis né, je mourirai, brève autobiographie de François Béranger
-
Biographie de François Béranger par Marc Robine, chroniqueur chanson décédé quelques semaines avant Béranger, parue dans le magazine Chorus (n° 38)
- François Béranger, Pierre Guinchat (Seghers, 1976)
- Français, si vous chantiez, Jacques Vassal (Albin Michel, 1976)
Discographie sélective de François Béranger
- Tranche de vie (CBS, 1970)
- Ça doit être bien (CBS, 1971)
- L’Alternative (L’Escargot, 1975)
- Participe Présent (L’Escargot, 1978)
- Paris Lumière (1988)
- 19 chansons de Félix Leclerc (Futur Acoustic, 2003)
Discographie des interprètes posthumes de François Béranger
- Stéphane Sanseverino, The BeBer Project Vol.1, hommage à François Béranger (2019)
- Éric Frasiak, Mon Béranger (2014)
- Éric Frasiak, Mon Béranger 2 (2020)
- 17 interprètes, Tous ces mots terribles. Hommage à François Béranger (2008)
- Olivier Trévidy, Si on chantait Béranger (2007)
Musique
- Vous n’aurez pas ma fleur – François Béranger (album L’Alternative – Participe Présent. 1975)
- Paris-Lumière – François Béranger (album Paris Lumière. 1988)
- Tranche de vie – François Béranger (album Béranger en public. 1998 enregistré en public à Lille le 4 novembre 1998)
- Chanson des clés – François Béranger (BOF L’an 01, film de Gébé et Jacques Doillon)
- L’Amour minéral – François Béranger (album Ça doit être bien. 1971)
- Dis-moi oui – François Béranger (album Tranche de vie. 1970)
- Le P’tit bonheur – Chanson de Félix Leclerc interprétée par François Béranger (album 19 chansons de Félix Leclerc)
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Générique
Un documentaire d’Olivier Chaumelle, réalisé par Marie Plaçais. Prises de son, Ollivia Branger, Cédric Châtelus. Mixage, Manon Houssin. Coordination, Anaïs Kien. Archives Ina, Véronique Jolivet. Documentation d’actualité, Karine Huyghe. Avec la collaboration d’Annelise Signoret de la Bibliothèque de Radio France. Attachée de production et page web, Sylvia Favre-Steyaert.

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