Publié le 27 août 2024
Lecture : 4 minutes.
Itamar Ben Gvir, ministre israélien d’extrême droite, a provoqué une nouvelle polémique en remettant en question le bien-fondé du statu quo sur l’esplanade des Mosquées de Jérusalem, où il se verrait bien construire une synagogue. Depuis son entrée au gouvernement en décembre 2022, le ministre de la Sécurité nationale s’est rendu au moins six fois sur ce lieu saint disputé situé dans le secteur de la Ville sainte occupé et annexé par Israël, autant de visites dénoncées comme des provocations et des atteintes au statu quo par les Palestiniens et nombre de capitales étrangères. « Si je pouvais faire tout ce que je voulais, je mettrais un drapeau israélien sur le site », a-t-il déclaré ce 26 août dans un entretien accordé à la radio militaire israélienne Galeï Tsahal. Quant à y édifier une synagogue s’il le pouvait ? Pressé par le journaliste à plusieurs reprises de répondre à cette question, Ben Gvir a fini par dire: « Oui. »
Si le lieu est administré par la Jordanie, son accès est contrôlé par les forces de sécurité israéliennes. De par ses fonctions, Itamar Ben Gvir est donc chargé de faire respecter le statu quo, mais il l’a lui-même bafoué de façon spectaculaire le 13 août en se rendant sur l’esplanade avec plusieurs centaines d’Israéliens pour une prière à l’occasion d’une fête juive. Le bureau de Benyamin Netanyahou avait alors qualifié l’ « incident » d’ « entorse au statu quo » et affirmé que seuls « le gouvernement et le Premier ministre […] définissent la politique [israélienne] sur le mont du Temple », et non pas tel ou tel ministre. « La politique [actuelle] permet [aux juifs] de prier sur » l’esplanade, a néanmoins affirmé Ben Gvir à la radio militaire, forçant une nouvelle fois les services du Premier ministre à publier un communiqué, laconique, assurant qu’il n’y a « aucun changement dans le statu quo sur le mont du Temple ».
Plus incisif, alors qu’Israël est en guerre dans la bande de Gaza contre le mouvement islamiste palestinien Hamas depuis l’attaque sanglante lancée par ce dernier le 7 octobre, le ministre de la Défense Yoav Gallant a jugé sur X que « les actes de Ben Gvir mettent en danger la sécurité de l’État d’Israël ». « Remettre en question le statu quo sur le mont du Temple est un acte dangereux, inutile et irresponsable », a-t-il ajouté.
« Ligne rouge »
Cette polémique survient au lendemain d’une brusque flambée de violence sur le front opposant l’armée israélienne et le mouvement islamiste libanais Hezbollah à la frontière israélo-libanaise depuis bientôt 11 mois. Le chef de l’opposition israélienne Yaïr Lapid a ironisé sur X estimant que le communiqué de Netanyahou était juste car « en effet il n’y a pas de changement sur le statu quo, qui était et reste que Ben Gvir n’en a rien à faire et que Netanyahou a perdu le contrôle de son gouvernement ». « Les Lieux saints sont la ligne rouge dont nous n’autoriserons pas le franchissement », a déclaré le porte-parole de la présidence de l’Autorité palestinienne, Nabil Abou Roudeina.
Le Hamas a qualifié de « dangereux » les propos du ministre israélien et appelé les « nations arabes et islamiques à prendre leurs responsabilités pour protéger les Lieux saints ». La diplomatie saoudienne a fait part de « son rejet catégorique de ces déclarations extrémistes et incendiaires » et souligné « la nécessite de respecter le statut historique et juridique » de la mosquée al-Aqsa de l’esplanade des Mosquées. Le ministère qatari des Affaires étrangères a pour sa part dénoncé une « provocation » envers les musulmans du monde entier. « La Jordanie prendra toutes les mesures nécessaires pour mettre fin aux attaques contre les Lieux saints », a réagi son ministère des Affaires étrangères, qui « prépare les dossiers juridiques nécessaires pour intenter une action devant les tribunaux internationaux » à ce sujet.
Sur le terrain, l’ONU s’inquiète de sa capacité à fournir de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza, au lendemain de nouveaux ordres d’évacuation israéliens faisant craindre une aggravation de la situation dans le territoire palestinien ravagé par la guerre entre Israël et le Hamas.
Impact considérable
Alors qu’un nouveau cycle de négociations a débuté le 22 août, au Caire, avec les Israéliens, le porte-parole du Conseil de sécurité nationale américain, John Kirby, a fait état de « progrès » dans les discussions en cours sur une trêve assortie de la libération d’otages en échange de prisonniers palestiniens détenus par Israël. « Nous nous attendons à ce que ces discussions (…) continuent au moins ces prochains jours », a-t-il indiqué, assurant qu’une vaste attaque menée dimanche contre Israël par le Hezbollah libanais, un allié du Hamas, « n’a pas eu de conséquences » sur les discussions.
Dans la bande de Gaza, l’armée israélienne a appelé les habitants à quitter plusieurs zones de la ville de Deir el-Balah, dans le centre, affirmant que ses troupes allaient y « agir avec force contre le Hamas et les autres groupes terroristes ». Le bureau des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha) s’est dit « particulièrement inquiet » de cet ordre concernant notamment des secteurs où se trouvaient des travailleurs humanitaires des Nations unies et d’ONG. « Cette décision remet en cause tout un centre humanitaire qui avait été mis en place à Deir el-Balah à la suite de l’évacuation de Rafah (sud) en mai dernier, et elle a un impact considérable sur notre capacité à fournir un soutien et des services essentiels », a déploré l’Ocha.
la suite après cette publicité
Après plus de dix mois de guerre, Israël et le Hamas s’accusent mutuellement de faire échouer les négociations pour une trêve. Le mouvement islamiste ne participe pas aux pourparlers actuels mais une délégation du Hamas a rencontré dimanche au Caire les médiateurs égyptiens et qataris, selon un cadre du mouvement. Les discussions achoppent notamment sur le contrôle du « couloir de Philadelphie », une bande de terre le long de la frontière entre Gaza et l’Egypte, et sur les prisonniers palestiniens susceptibles d’être échangés contre des otages.
(Avec AFP)