Publié le 25 décembre 2024
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« Bonjour – Jàmm nga am », « Comment ça va ? – Nan nga def ? », « Je vais bien – Maa ngi fi »… En quelques mois seulement, annonce la Wolof Académie, un novice peut apprendre à maîtriser les bases du wolof. C’est en tout cas ce que promet Amy Cissé, 33 ans, la fondatrice de cette école de langue en ligne.
« À la fin du programme débutant, qui dure quatre mois, celui qui s’inscrit sur notre plateforme peut tenir une conversation avec n’importe qui et s’exprimer dans la langue nationale sénégalaise de manière simple, affirme cette diplômée d’école de commerce. Son parler sera encore plus fluide s’il va au bout des cours du niveau intermédiaire. »
Cette perspective a déjà convaincu quelques dizaines de Français, d’origine sénégalaise pour la plupart et qui sont nés ou ont grandi en France. « Préoccupés par le besoin d’intégration, les parents qui ont immigré en France parlent souvent très peu leur langue maternelle à leurs enfants. Et ne pas la parler peut créer un frein en termes d’intégration et de sentiment d’appartenance au pays d’origine », souligne Amy Cissé. Or, depuis plusieurs années, de plus en plus de membres de la diaspora africaine expriment le désir de retourner vivre sur le continent. C’est le phénomène des « repats ».
Selon l’Insee, la France compte plus de 3 millions de descendants d’immigrés africains. En 2019, un sondage de l’Agence française de développement (AFD) indiquait que 40 % d’entre eux se disaient prêts au retour vers le pays de leurs parents.
Outil d’intégration
Amy Cissé fait partie de ceux qui ont sauté le pas. En 2018, à la fin de ses études, elle décide de s’installer à Dakar, d’où est originaire son père, pour y travailler. « Je connaissais déjà bien le pays parce que j’y allais souvent en vacances. Mais j’avais besoin d’y vivre une fois adulte pour me faire ma propre expérience de vie sur place », raconte-t-elle. Mais dans la capitale, la Franco-Sénégalaise se rend compte de l’omniprésence du wolof, la langue la plus parlée dans le pays, même en milieu professionnel. « J’avais déjà quelques bases, mais je devais la parler couramment pour renforcer mon intégration. Je ne pouvais plus me permettre de baragouiner ou de dire quelques mots à droite, à gauche. »
C’est à son retour à Paris, fin 2019, que la jeune femme se lance dans l’aventure de la création de la plateforme de langues en ligne, après avoir rencontré dans son entourage plusieurs personnes désireuses d’apprendre la langue. « Partant de mon expérience, j’ai voulu aider les gens en quête d’identité, qui ne se sentent ni Français ni Sénégalais, ou un peu des deux. À qui on reproche de ne pas parler le wolof et donc de ne pas être de vrais Sénégalais », explique-t-elle.
Après un sondage pour évaluer les besoins, elle travaille en 2020 à la conception des premiers modules de cours en s’associant avec un compatriote sénégalais qui exerce déjà dans le milieu éducatif. Les programmes en ligne sont disponibles en 2021. « Il a fallu de longs mois pour concevoir les supports d’apprentissage. La langue est assez complexe. Il y a donc eu un gros effort sur la pédagogie. Et nous nous sommes entourés de spécialistes de la langue pour valider les programmes, afin de nous assurer que la construction des cours était correcte », précise Amy Cissé.
Aujourd’hui, la Wolof Académie dispense vingt heures de cours en visioconférence, étalées sur quatre mois pour ses élèves au niveau débutant, et quinze heures de cours sur deux mois pour les inscrits avec un niveau un peu plus avancé. Pour un coût qui varie entre 300 et 400 euros. Des ressources numériques sont également mises à disposition.
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Atout pour le business
« La majeure partie des apprenants sont bien évidemment des Français d’origine sénégalaise qui veulent apprendre la langue pour pouvoir parler avec leurs proches, notamment leurs grands-parents, tantes ou cousins. Mais on a aussi des élèves qui s’intéressent au wolof parce qu’ils sont mariés à des Sénégalais ou Sénégalaises et veulent pouvoir communiquer avec leur belle-famille. Et puis il y a ceux qui comptent s’installer au Sénégal pour y travailler ou entreprendre et pensent que maîtriser le wolof sera un atout pour leur intégration », détaille Amy Cissé.
Mais apprendre cette langue parlée par plus de 9 millions de locuteurs au Sénégal, en Gambie et en Mauritanie n’est pas chose aisée. « C’est d’abord la prononciation qui est difficile. Il y a des voyelles longues et des voyelles courtes. On peut changer le sens d’un mot si on le prononce mal. Et les structures grammaticales sont différentes de celles connues en français », relève la jeune femme.
Sa structure propose également des formations en relations interculturelles, à destination des entreprises de l’Hexagone qui souhaitent investir au Sénégal. Cela pour leur permettre « de comprendre la culture et les codes de la société sénégalaise, afin d’avoir de meilleures relations avec leurs partenaires locaux. »
Selon les chiffres du Quai d’Orsay, la France est redevenue, en 2023, le premier fournisseur de biens du Sénégal avec 12 % de parts de marché, devant la Chine (10,9 %), qui avait ravi la première place en 2022. Dakar continue donc d’attirer les investisseurs et Amy Cissé y voit un levier de croissance pour son entreprise. « Avec la Wolof Académie, notre but est de valoriser le Sénégal et sa culture dans tous ses aspects. Mais à terme, nous souhaitons étendre l’apprentissage à d’autres langues africaines. »