CIFF 2024 – Ahmed Ezz, un parcours entre passion et gratitude

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Lors de la cérémonie d’ouverture de la 45ᵉ édition du Festival International du Film du Caire (CIFF), qui se déroule du 13 au 22 novembre 2024, l’acteur égyptien Ahmed Ezz a été honoré par le prestigieux Prix Faten Hamama. Cette distinction, remise aux artistes ayant apporté une contribution notable au cinéma, est une reconnaissance de son parcours et de son impact sur l’industrie.

Le lendemain, une conversation a été organisée pour permettre à l’acteur d’échanger avec le public et la presse quelques réflexions et anecdotes sir son parcours. Ahmed Ezz a profité de cette occasion pour partager des anecdotes marquantes de sa vie et de sa carrière, révélant des moments parfois drôles, parfois touchants, mais toujours empreints d’une profonde humilité.

Dès ses premiers mots, Ahmed Ezz a exprimé sa gratitude, notamment envers les journalistes qu’il considère comme des alliés essentiels de son succès. « Je n’oublierai jamais que tout ce que j’ai accompli, c’est aussi grâce à eux. Ils m’ont soutenu et encouragé. Je leur serai reconnaissant toute ma vie. » Ce sentiment de gratitude traverse tout son discours, tout comme son désir constant d’évoluer et de laisser une empreinte durable. « Je souhaite continuer à travailler, encore et encore. Mon rêve est de pouvoir un jour regarder mes films avec fierté et de savoir que j’ai apporté quelque chose au cinéma, que je serai cité en exemple. »

 

CIFF 2024 – Ahmed Ezz et son Prix faten Hamama

 

Revenant sur ses premiers pas dans le monde artistique, Ahmed Ezz a raconté avec un sourire une anecdote de son enfance. « Mon tout premier rôle, c’était à l’âge de cinq ans. Mon frère avait un rôle dans une pièce de théâtre à l’école, et je voulais absolument y participer aussi. Finalement, le réalisateur m’a donné un rôle où je devais crier ‘Ahhh’ et mourir. Mais comme ma voix ne portait pas assez, il a doublé mon cri, et j’ai juste fait le mort sur scène. Le problème est que je devais rester sur scène immobile pendant un long moment, mais comme je respirais trop visiblement, cela faisait rire le public. La scène qui devait être dramatique était devenue comique.« 

Bien plus tard, Ahmed Ezz a poursuivi son rêve de cinéma en empruntant un chemin qui n’était pas tout tracé. Il a débuté comme mannequin et dans des publicités, espérant être repéré. « Je savais que mon physique pouvait me donner une certaine visibilité, mais je voulais que cela aille au-delà. Je ne voulais pas être seulement un beau visage. C’est pour cela que j’ai travaillé sans relâche sur mon jeu d’acteur, en suivant des cours de théâtre et en acceptant de petits rôles. Je voulais prouver que j’avais autre chose à offrir.« 

« Jeune, quand je voyais des affiches de cinéma, je m’y projetais, mais je ne savais pas comment y arriver. J’ai fini par prendre des cours de théâtre et accepter de petits rôles. Un jour, j’ai supplié le réalisateur Gamel Abdel Hamid de me donner une chance. Il a accepté et m’a offert un petit rôle dans la série Zeezinya (1997/2000). Je n’oublierai jamais cette opportunité qu’il m’a donnée. »

 

 

Son engagement dans le cinéma n’a pas été sans sacrifices. À l’époque, Ahmed travaillait dans le tourisme, une carrière stable qui rassurait sa famille. Mais il s’est retrouvé face à un choix décisif : continuer dans cette voie ou tenter sa chance dans le cinéma. « Quand j’ai décidé de quitter le tourisme, mon père a quitté la table du déjeuner, furieux. Ce choix a été difficile, mais je savais au fond de moi que c’était ce que je devais faire. J’ai accepté un rôle dans Journal d’une adolescente (2001) avec Hend Sabry, et c’était le début de tout. » 

Il se souvient de l’impact de ce film : « Lorsqu’il est sorti, il y a eu une énorme controverse. Certains accusaient le film d’être à la limite immoral. Mes parents, qui lisaient les journaux chaque matin, m’en ont encore plus voulu d’avoir quitté mon emploi pour un métier pareil. Ils avaient d’ailleurs refusé de voir le film à sa sortie. Ils ne l’ont vu que des années plus tard, lorsqu’il est passé à la télévision. » 

Après ce film, Ahmed a traversé une période de vide, sans aucune proposition de rôle pendant plus d’un an. Ce moment aurait pu être décourageant, mais il a gardé espoir. « Un jour, le réalisateur Ali Abdelkhalek m’a appelé. Il m’a demandé de me raser et d’être à Alexandrie le lendemain à 10h. Ce rôle n’était pas prévu pour moi. L’acteur principal était arrivé avec 15 minutes de retard, et Abdelkhalek, connu pour sa ponctualité, n’a pas hésité à le remplacer. C’est lui qui m’a appris l’importance de la discipline et de l’engagement. D’ailleurs, en arrivant ce jour-là, ma voiture était juste derrière celle du réalisateur. Mais sur le plateau, il m’a dit que sa voiture devait être la dernière à arriver sur les lieux. Personne ne devait entrer après lui ! »

 

 

L’acteur évoque aussi son premier grand rôle à la télévision dans Malek Rouhi (2003) face à la grande Yousra. Là encore, il a dû remplacer un autre acteur seulement trois jours avant le tournage. « Ce feuilleton a complètement changé ma vie. J’avais le rôle principal masculin face à Yousra ! Après sa diffusion, je suis parti à Beyrouth avec seulement 200 dollars en poche, économisés pour ce voyage. À mon arrivée, j’ai été accueilli comme une star, même à l’aéroport. Les gens me reconnaissaient partout. C’était incroyable. »

Le succès a continué avec des films comme Mallaki Iskandariya (2005) et Masgoon Transit (2008). « Je me souviens du jour où j’ai signé un contrat pour trois films. On m’a remis un chèque, et je l’ai gardé dans ma poche pendant plusieurs jours, incapable de croire que c’était réel. C’était pour moi le symbole de tout ce que j’avais accompli jusque-là.« 

Lorsque Mallaki Iskandariya est sorti, Ahmed a pris l’habitude d’aller discrètement dans les salles de cinéma pour voir si le public répondait présent. « Dans les beaux quartiers, les salles étaient pleines, mais dans les quartiers populaires, elles étaient souvent vides. Je ne comprenais pas pourquoi. On m’a alors conseillé de jouer des personnages plus proches du public populaire, et cela a marché. J’ai enfin pu conquérir aussi ce public-là. »

Ahmed se rappelle d’ailleurs que son physique a parfois été un frein dans ses débuts. « On me disait que j’étais trop ‘lisse’, trop blanc, que les spectateurs ne s’identifieraient pas à moi. Mais avec le temps, j’ai appris à choisir des rôles qui cassent cette image. J’ai travaillé dur pour être pris au sérieux, pour qu’on regarde mon talent et non seulement mon apparence. »

 

 

Ahmed raconte également une expérience marquante du tournage d’El-Rahinah (2006) en Ukraine, où il a tourné dans des conditions extrêmes, notamment dans un réacteur nucléaire. « Une fois, j’ai voulu faire une cascade moi-même, mais j’ai failli me blesser gravement. J’ai compris ce jour-là qu’il fallait laisser ce genre de scènes aux professionnels. Chaque métier a ses responsabilités, et prendre des risques inutiles peut compromettre tout un film. »

Lors d’un autre tournage, il s’est blessé au visage. « Le réalisateur a vu le sang couler et a décidé de filmer tout de suite, sans maquillage ni effets spéciaux. Après avoir capturé la scène, il m’a dit d’aller me faire soigner. Ce genre d’expérience te rappelle que le cinéma demande un engagement total, parfois au-delà de ce qu’on imagine. »

Pour Ahmed Ezz, le cinéma est une mission. « Je veux que les gens se souviennent de moi pour mon travail, pas pour autre chose. L’humilité est essentielle. Être une star ne signifie rien si tu perds ton humanité. » 

Il a conclu en rendant hommage à des légendes comme Adel Imam et Nour El-Sherif. « Adel Imam m’a conseillé de toujours choisir des scénarios de qualité et de m’engager pleinement. Ce conseil m’accompagne encore aujourd’hui. » 

La conversation avec Ahmed Ezz a révélé un artiste passionné, discipliné et profondément reconnaissant pour chaque opportunité. Un homme qui, malgré son succès, n’a jamais oublié ses débuts ni les leçons qui l’ont guidé jusqu’ici.

Neïla Driss

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