CIFF 2024 – Entre films classiques restaurés et décors fascinants

Date:

Le Festival International du Film du Caire (CIFF), qui a célébré cette année sa 45ème édition, a marqué un tournant exceptionnel en mettant à l’honneur le patrimoine cinématographique. Sous la présidence de Hussein Fahmy, cette édition s’est illustrée par un engagement profond en faveur de la restauration et de la préservation des films, une initiative essentielle pour transmettre ces trésors culturels aux générations futures. Dès la cérémonie d’ouverture, Hussein Fahmy a annoncé la création de Cairo Classics, une nouvelle section dédiée aux films classiques restaurés. Une vidéo projetée à cette occasion a montré les effets spectaculaires de la restauration : des images abîmées par le temps renaissant avec une netteté et une richesse visuelle saisissantes.

L’initiative de valoriser les classiques du cinéma a pris racine en 2022, lorsque le festival avait programmé deux films égyptiens récemment restaurés. Leur succès a convaincu les organisateurs d’aller plus loin : cette année, Cairo Classics a vu le jour avec une programmation ambitieuse de dix films égyptiens parmi les plus emblématiques, projetés aux côtés de grands classiques internationaux. L’objectif est de maintenir ce rythme en présentant chaque année dix œuvres égyptiennes restaurées. Cette démarche permet non seulement de préserver la mémoire cinématographique nationale, mais aussi de faire rayonner le rôle de l’Égypte comme gardienne de l’héritage culturel dans la région. Hussein Fahmy a aussi insisté sur le rôle du sous-titrage, en effet tous ces films restaurés sont par la suite sous-titrés pour pouvoir voyager, aller des de grands festivals internationaux et même être distribués par des plateforme de streaming, permettant à un très large public de par le monde de les découvrir ou les revoir. Le succès de cette section Cairo Classics a été immédiat : toutes les projections ont affiché complet, attirant un public varié, composé à la fois d’amateurs locaux et d’invités étrangers, notamment des critiques occidentaux venus découvrir ce patrimoine.

Dans le prolongement de cette célébration du patrimoine, le festival a offert à ses invités une visite exclusive de l’Egyptian Media Production City (EMPC), un complexe colossal situé à la périphérie du Caire. Cet espace de 2 millions de mètres carrés constitue un pilier de l’industrie audiovisuelle égyptienne, rassemblant entre autres, 90 studios de tournage, des ateliers de production, une académie – The International Academy for Engineering and Media Sciences (IAEMS) – un centre de formation aux métiers de l’audiovisuel et des ateliers pour la production des décors. Le Production Services Center de l’EMPC fournit un éventail complet de services pour les producteurs locaux et internationaux, notamment l’obtention des diverses autorisations pour les tournages étrangers en Égypte. Ce soutien a permis à 55 films étrangers de voir le jour au sein de l’EMPC, avec actuellement 10 projets internationaux en cours, incluant des productions américaines et chinoises.

 

CIFF 2024 – Visite du Centre de Restauration du Patrimoine Audiovisuel

 

 

 

 

Le Centre de Restauration du Patrimoine Audiovisuel, situé au cœur de l’EMPC, est l’un des plus avancés du Moyen-Orient. Équipé de technologies dernier cri permettant une numérisation et une restauration en résolution 6K, il redonne vie à des films précieux, souvent considérés comme perdus pour l’histoire. Lors de la visite, nous avons assisté à chaque étape de ce processus méticuleux : nettoyage des bobines, réparation physique, numérisation et restauration digitale des images et du son. Ce travail, réalisé par une équipe de techniciens hautement qualifiés, nécessite environ un mois par film. Parmi les projets déjà accomplis figurent la restauration de l’intégralité du journal cinématographique égyptien (Egyptian Film Newspaper), soit 2389 numéros couvrant la période de 1952 à 2015, ainsi que 140 documentaires produits pour le Service d’Information de l’État. À cela s’ajoutent des films de fiction emblématiques tels que Khally ballak men ZouZou (1972), Gharam fi al-Karnak (1967), Le Journal d’un substitut de campagne (1969) et les dix œuvres sélectionnées pour Cairo Classics cette année (liste ici).

 

 

 

Après cette immersion dans l’univers de la restauration cinématographique, la visite s’est poursuivie à travers deux des 17 zones de tournage extérieures de l’EMPC, reconnues pour leur capacité à recréer avec une fidélité exceptionnelle des environnements variés. La première, la zone rurale, nous a plongés dans des paysages typiques du Nord et de la Haute-Égypte : maisons en torchis, champs cultivés et canaux sinueux reflétaient à la perfection l’ambiance des villages traditionnels. La seconde, le quartier d’Alexandrie, récemment enrichi de rues londoniennes conçues pour des productions à caractère européen, mêlait un charme méditerranéen et une polyvalence idéale pour des scènes internationales. En dehors de ces deux zones que nous avons explorées, l’EMPC abrite des décors variés : la zone pharaonique offre une reproduction monumentale des temples antiques, notamment des statues imposantes et des fresques détaillées qui rappellent le Nouvel Empire égyptien. La citadelle, construite pour les récits historiques médiévaux, dispose de remparts, de tours et de grandes cours parfaites pour des batailles épiques. La rue Emad El-Din, quant à elle, restitue l’atmosphère vibrante du Caire des années 1920, avec des cafés, des théâtres et des boutiques typiques de l’époque.

 

CIFF 2024 – Visite de l’EMPC – Décor Alexandrie

 

CIFF 2024 – Visite de l’EMPC – Décor Alexandrie

 

CIFF 2024 – Visite de l’EMPC – Décor Rue de Londres

 

CIFF 2024 – Visite de l’EMPC – Décor Rue de Londres

 

CIFF 2024 – Visite de l’EMPC – Décor Rue de Londres

 

CIFF 2024 – Visite de l’EMPC – Décor rural

 

CIFF 2024 – Visite de l’EMPC – Décor rural

 

CIFF 2024 – Visite de l’EMPC – Décor rural

 

CIFF 2024 – Visite de l’EMPC – Décor rural

 

D’autres zones permettent de transporter les productions dans des décors plus spécifiques : la zone islamique intègre des architectures inspirées des époques mameloukes et ottomanes, tandis que la zone bédouine capture les vastes étendues arides utilisées pour des histoires liées à la vie bédouine. La zone côtière propose des plages aménagées et des ports réalistes, parfaits pour des intrigues se déroulant au bord de la mer. Une zone tropicale, rare dans les studios de tournage de la région, est tapissée de végétation dense, évoquant des jungles exotiques. Enfin, plusieurs espaces modernes reproduisent des quartiers résidentiels, des complexes industriels et même des zones commerciales, permettant de répondre aux besoins des productions contemporaines.

L’EMPC ne se limite pas à ses décors : le site dispose également d’une remarquable collection de voitures anciennes, exposées dans un musée à ciel ouvert. Ce parc unique regroupe des véhicules datant de 1919 à la fin du XXe siècle, incluant des taxis, des cabriolets de luxe, des ambulances, des camions et même des véhicules militaires. Ces voitures, disponibles à la location, permettent aux producteurs d’ajouter un degré de réalisme inégalé à leurs œuvres.

 

CIFF 2024 – Visite de l’EMPC – Collection de voitures anciennes

 

CIFF 2024 – Visite de l’EMPC – Collection de voitures anciennes

 

Lors de cette visite, nous avons eu la chance d’assister au tournage d’une scène d’un feuilleton prévu pour le Ramadan prochain. Réalisée par un cinéaste égyptien renommé (dont nous avons promis de ne pas révéler le nom), cette œuvre est censée se dérouler en Iran. Les décors minutieusement conçus recréaient l’ambiance d’Ispahan avec un tel niveau de détail que l’on avait l’impression d’être transportés au cœur de la célèbre cité perse. Ce tournage a illustré la capacité de l’EMPC à rivaliser avec les plus grands studios internationaux, en offrant des infrastructures capables de répondre à des exigences artistiques élevées.

 

CIFF 2024 – Visite de l’EMPC – Décor Islamique

 

CIFF 2024 – Visite de l’EMPC – Décor Ispahan (Iran)

 

Le festival International du Film du Caire a également enrichi cette démarche de valorisation du patrimoine par deux panels captivants. Le premier, intitulé Restauration du patrimoine et de l’histoire des artistes, s’est penché sur la conservation des archives des grandes figures du cinéma. Le second a célébré la sortie d’un recueil d’articles tirés de l’ancien magazine Seventh Art, qui témoignent d’une époque où la critique et l’analyse cinématographiques jouaient un rôle central dans l’industrie.

L’édition 2024 du CIFF a magistralement démontré que la restauration et la valorisation des œuvres cinématographiques vont bien au-delà des considérations techniques. À travers des initiatives comme Cairo Classics et des infrastructures de pointe comme l’EMPC, l’Égypte se positionne en tant que phare culturel, préservant son riche passé tout en posant les bases d’un avenir prometteur pour le cinéma.

Neïla Driss

 

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Share post:

Subscribe

spot_imgspot_img

Popular

More like this
Related

CMR consacré à la numérisation des procédures administratives

Le chef du gouvernement, Kamel Maddouri, a dirigé un...

Un plan de cession des avions hors service en préparation à Tunis-Carthage

Le ministre des Transports, Rachid Amri, s’est rendu samedi...