La 45ème édition du Festival International du Film du Caire (CIFF) débute dans trois jours et se déroulera du 13 au 22 novembre 2024. Cette édition, qui marque le retour du festival après une année de report en raison de la guerre à Gaza, promet d’être riche en nouveautés. Parmi les ajouts remarquables, on trouve la section « Cairo Classics », dédiée aux grands classiques du cinéma égyptien et international, ainsi qu’une programmation exceptionnelle de films venus du monde entier, soigneusement sélectionnés pour leur diversité et leur qualité. À cette occasion, le directeur du festival, Essam Zakarea, nous éclaire sur les défis et les choix stratégiques qui ont façonné cette édition.
Compte tenu des défis uniques de la reprise du Festival International du Film du Caire après une année de report, quelles adaptations avez-vous mises en place pour concrétiser votre vision et garantir le succès de cette édition ?
Diriger le Festival International du Film du Caire après son report a présenté des défis uniques, mais aussi des opportunités précieuses de croissance. Mon expérience avec les festivals égyptiens m’a appris que le succès réside dans la gestion minutieuse à la fois de la vision d’ensemble et des détails essentiels. Bien que la présentation de films remarquables soit au cœur du festival, la logistique en coulisses — comme les déplacements, l’hébergement et les droits des films — est tout aussi cruciale et nécessite un budget réfléchi.
Une des principales adaptations que nous avons faites a été dans notre approche de la couverture médiatique. Au lieu de couvrir les frais de déplacement pour un groupe restreint de journalistes, nous leur avons demandé de prendre en charge leurs vols, tandis que le festival se chargeait de leur hébergement pour la durée totale de 10 jours. Cela nous a permis d’inviter un plus grand nombre de journalistes internationaux et arabes, établissant ainsi des partenariats précieux avec des grands médias comme Variety, Film Verdict et Screen Daily, élargissant ainsi la présence mondiale du festival.
Nous avons également affiné notre stratégie pour faire venir des experts étrangers. Bien que leurs perspectives soient importantes, nous avons fait un effort délibéré pour nous concentrer sur les talents locaux, qui offrent non seulement une expertise de haute qualité, mais qui s’alignent également avec nos objectifs de durabilité et de soutien communautaire.
Un autre ajustement a été dans notre stratégie de droits des films. En renforçant notre équipe de programmation et en invitant des voix plus diverses dans le processus de sélection, nous avons découvert des perles rares — des films de haute qualité souvent négligés au profit de noms plus grands.
Je suis fier de la programmation diversifiée et percutante que nous avons élaborée, qui résonne auprès d’un large public. Enfin, la priorité accordée à la collaboration au sein de notre équipe a permis de garantir que chacun travaillait de manière efficace et cohérente pour atteindre la vision du festival.
Vous avez mentionné que la programmation du festival attire un public diversifié. Quelle est votre vision pour connecter le festival avec le public ?
Cette année, nous avons fait un pas excitant en étendant le festival au-delà des lieux traditionnels de l’Opéra et du centre du Caire. Le Caire est une métropole tentaculaire, et nous voulions nous assurer que la portée du festival s’étende à tous les coins de la ville. En plus de nos lieux emblématiques comme l’Opéra du Caire, le Cinéma Zamalek et le Ewart Hall de l’Université Américaine, nous avons collaboré avec Vox Cinemas pour proposer des projections à New Cairo et à Sheikh Zayed, garantissant ainsi une plus grande accessibilité pour les publics à travers la ville.
Notre programmation dans ces nouveaux lieux est conçue de manière inclusive, équilibrant l’attrait large avec les films de haute qualité pour lesquels notre festival est connu. Les projections publiques en dehors de l’Opéra sont pensées pour engager un public plus large, tandis que la Grande Salle de l’Opéra continue d’offrir cette expérience glamour de tapis rouge. Pour une touche plus expérimentale, les films projetés au Petit Théâtre et au Cinéma El Hanager sont destinés à un public plus restreint et adepte de films d’art et d’essai.
Pour l’avenir, nous prévoyons d’étendre encore plus le festival dans d’autres quartiers du Caire et même au-delà de la ville, en nous adaptant continuellement aux retours du public pour façonner les éditions futures du festival.
Cette année, le programme de cinéma arabe est rempli d’une sélection remarquable de films. A-t-il été difficile de sécuriser des films de haute qualité face à la concurrence d’autres grands festivals de la région ?
Cette année, le Festival du Film du Caire présente une sélection exceptionnelle de films arabes, probablement la plus forte que nous ayons jamais eue. Plutôt que de voir la concurrence comme un défi, nous sommes enthousiasmés par la richesse du cinéma arabe à notre disposition.
Nous avons également apporté des changements significatifs à nos prix pour le cinéma arabe, afin de les rendre plus pertinents et équilibrés. Auparavant, le prix du Meilleur Film Arabe englobait tous les films arabes du festival, en plus des prix de la compétition Horizons du Cinéma Arabe, ce qui provoquait souvent des confusions. Cette année, nous avons introduit de nouveaux prix financiers spécifiquement pour les longs métrages arabes, et la compétition est désormais ouverte à tous les films arabes, qu’ils fassent partie de la compétition internationale ou de la section Horizons du Cinéma Arabe repensée, qui est maintenant une vitrine artistique plutôt qu’une compétition.
De plus, nous mettons en lumière le cinéma palestinien et la cause palestinienne. Dès notre film d’ouverture, Songes/Passing Dreams du réalisateur palestinien Rashid Masharawi, nous avons introduit des prix dédiés au cinéma palestinien, ainsi que des projections et événements qui amplifient les voix palestiniennes. Notre objectif est de faire en sorte que la cause palestinienne reste au cœur du festival.
Quelle est l’approche du festival en ce qui concerne l’inclusion des films égyptiens aux côtés des sélections internationales ?
Bien que le Festival International du Film du Caire soit ancré en Égypte, notre objectif est résolument tourné vers le cinéma mondial. Nous nous engageons à soutenir les cinéastes égyptiens, mais nous croyons que leur travail mérite une place sur les scènes internationales, comme celles de Venise ou du Festival de la Mer Rouge, et non uniquement au Caire.
Cette année, nous avons introduit le Panorama du Court Métrage, un nouveau programme dédié aux courts métrages égyptiens. Bien que ces films ne soient pas en compétition, ils occupent un espace important pour mettre en valeur les voix créatives émergentes d’Égypte. Compte tenu du nombre limité de courts métrages en compétition et des rares lieux disponibles pour eux, les festivals comme le nôtre jouent un rôle essentiel pour donner à ces œuvres la visibilité qu’elles méritent. Cette approche soutient non seulement les cinéastes égyptiens, mais assure également que leur talent atteigne un public international plus large.
Quelle est la vision derrière la programmation impressionnante de films classiques cette année, incluant de nombreux classiques égyptiens nouvellement restaurés ?
Le programme de films classiques de cette année présente une sélection exceptionnelle de cinéma égyptien, avec un accent particulier sur les classiques intemporels soigneusement restaurés. À une époque dominée par des images numériques éphémères, il y a un désir croissant de renouer avec le passé, où chaque image pouvait laisser une impression durable. Dans cet esprit, notre programme vise à raviver et préserver le riche patrimoine cinématographique de l’Égypte, en veillant à ce qu’il résonne avec le public d’aujourd’hui.
Le cinéma égyptien, autrefois menacé d’être oublié, est désormais restauré grâce à des partenariats entre le gouvernement et des organisations cinématographiques clés. L’importance de sauvegarder cet héritage culturel n’a jamais été aussi urgente, car nous souhaitons transmettre ces films aux générations futures.
Cette année, nous élargissons la diffusion de ces classiques restaurés en les projetant dans des lieux au-delà de l’Opéra, offrant ainsi au public l’opportunité de découvrir ces chefs-d’œuvre en qualité optimale sur grand écran. En plus des joyaux égyptiens, nous présentons également des films internationaux remasterisés, créant une célébration unique de l’histoire cinématographique locale et mondiale.
Qu’est-ce qui rend cette année le focus sur les coproductions et collaborations internationales essentiel pour l’avenir du cinéma ?
Les coproductions sont devenues un élément déterminant de l’industrie cinématographique mondiale actuelle, transformant la manière dont les films sont réalisés, partagés et expérimentés. Au Festival International du Film du Caire, nous mettons les coproductions au premier plan cette année, en reconnaissant leur potentiel puissant pour unir des voix diverses et créer des films qui résonnent à l’échelle mondiale. En priorisant les coproductions, nous cherchons à encourager des films qui comblent les écarts culturels tout en renforçant la durabilité de l’industrie dans son ensemble.
Le festival met également en avant le rôle croissant de l’Égypte en tant que destination de choix pour les productions cinématographiques internationales. La Commission du Film Égyptien facilite l’accès aux cinéastes étrangers, rendant l’Égypte plus attractive pour les tournages. Dans le cadre de notre engagement envers la promotion de cette collaboration internationale, nous accueillons des tables rondes et des sessions de réseautage où des professionnels de l’industrie du monde entier peuvent échanger des idées, explorer des opportunités de coproduction et tisser des liens qui façonneront l’avenir du cinéma.