Publié le 15 novembre 2024
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Cette fois sera-t-elle la bonne ? Le tribunal d’application des peines a accepté vendredi la onzième demande de libération conditionnelle du militant libanais pro-palestinien Georges Ibrahim Abdallah, condamné à la perpétuité en 1987 pour complicité de meurtre de deux diplomates, un Américain et un Israélien. Emprisonné depuis 40 ans, majoritairement, au centre pénitentiaire de Lannemezan (Hautes-Pyrénées), l’ex-militant communiste est libérable depuis 1999. Il est, selon ses soutiens, « le plus vieux prisonnier au monde lié au conflit du Moyen-Orient ». Le Parquet national antiterroriste (Pnat) déclare toutefois son intention de faire appel.
« Par décision en date du jour, le tribunal d’application des peines a admis Georges Ibrahim Abdallah au bénéfice de la libération conditionnelle à compter du 6 décembre prochain, subordonnée à la condition de quitter le territoire national et de ne plus y paraître », a précisé le Pnat dans un communiqué.
Depuis 25 ans, toutes les demandes de libération conditionnelle formulées par les conseils de Georges Ibrahim Abdallah avaient été retoquées. Sauf une, en 2013, acceptée sous réserve qu’il fasse l’objet d’un arrêté d’expulsion. Manuel Valls, ministre de l’Intérieur d’alors, avait refusé d’émettre la notice rendant ainsi la libération impossible. « La décision du tribunal d’application des peines n’est pas cette fois conditionnée à la prise d’un tel arrêté par le gouvernement », s’est réjoui Me Jean-Louis Chalanset son avocat, qui salue « une victoire juridique et une victoire politique ».
« Je suis un combattant, pas un criminel »
Au début des années 1980 et alors que le Liban était en pleine guerre civile, Georges Ibrahim Abdallah, ancien instituteur, avait cofondé les Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), groupuscule marxiste pro-syrien et anti-israélien qui a revendiqué cinq attentats, dont quatre mortels, en 1981-1982 en France. « Je suis un combattant, pas un criminel », a toujours martelé cet homme au regard clair et à la barbe drue. « L’itinéraire que j’ai suivi a été commandé par les atteintes aux droits de l’Homme perpétrées contre la Palestine », se défendait-il devant les juges.
Les conditions de l’arrestation d’Abdallah sont inédites. Le 24 octobre 1984, il entre dans un commissariat de Lyon, demandant à être protégé des tueurs du Mossad qu’il dit sur ses traces. Il est alors détenteur d’un passeport algérien, après avoir eu des passeports maltais, marocain et yéménite, utiles pour ses nombreux voyages (Yougoslavie, Italie, Espagne, Suisse, Chypre…). Mais la DST comprend vite que l’homme au français parfait n’est pas un touriste, mais Abdel Kader Saadi, « nom de guerre » d’Abdallah. Dans un de ses appartements à Paris, on découvre un arsenal dont des pistolets-mitrailleurs et des postes émetteurs-récepteurs.
Condamné en 1986 à Lyon à quatre ans de prison pour association de malfaiteurs et détention d’armes et d’explosifs, il est jugé l’année suivante par la cour d’assises spéciale de Paris pour complicité dans l’assassinat en 1982 de deux diplomates, l’Américain Charles Ray et l’Israélien Yacov Barsimentov, et la tentative d’assassinat d’un troisième en 1984. Abdallah nie les faits, mais se dit solidaire de ceux qui les ont commis, en réaffirmant qu’il n’est « rien qu’un combattant arabe ». Bien que l’avocat général requière une peine de dix ans d’emprisonnement, il est condamné à perpétuité. Son avocat pour ce procès, Me Jacques Vergès, voit dans le verdict « une déclaration de guerre ». Un comité de soutien est aussitôt créé, demandant sa « libération immédiate ».
Victime d’une justice d’État
« Il va bien intellectuellement. C’est un militant, il reste sur ses positions, lit beaucoup et se tient très au courant de ce qui se passe au Moyen-Orient. On lui écrit du monde entier », disait en 2022 son avocat Me Jean-Louis Chalanset.
Au fil des ans, son sort émeut et mobilise des militants proches du Parti communiste français (PCF) et de l’extrême gauche, qui accusent les gouvernements successifs d’acharnement et le considèrent comme « un prisonnier politique ». Des municipalités communistes le font même citoyen d’honneur et, régulièrement, des manifestations ont lieu devant sa prison.
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« Georges Ibrahim Abdallah est victime d’une justice d’État qui fait honte à la France », a dénoncé en octobre dans le quotidien L’Humanité l’écrivaine Annie Ernaux, prix Nobel 2022 de littérature. « À titre personnel, j’estime que Georges Ibrahim Abdallah pourrait être libéré », a estimé en 2021 Me Kiejman, avocat des parties civiles en 1987. « J’ai une forme de respect pour lui » désormais et « le braillard de la cour d’assises est devenu un intellectuel réfléchi », même si, « enfermé dans une certitude respectable, mais dogmatique, il ne fait rien pour faciliter sa libération ».