La photographe Tshepiso Mazibuko en majesté

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Publié le 2 novembre 2024

Lecture : 3 minutes.

Âgée d’à peine 30 ans, Tshepiso Mazibuko a été la révélation de la 55e édition des Rencontres photographiques d’Arles, dans le sud de la France, où lui ont été décernés le Prix découverte-Fondation Louis Rœderer et le Prix de la photo-Madame Figaro. Une consécration. « Ce travail, créé pour le public sud-africain, a trouvé un écho dans la société française. Décidément, l’art est universel et n’a pas de frontières », constate celle qui est aujourd’hui exposée à Paris dans le cadre de PhotoSaintGermain avec Sibusiso Bheka (Ubusukunemini (Day and Night), Rubis Mécénat, 10, rue Jacob).

Son œuvre, qui mêle portraits, scènes de rue et paysages urbains capturés dans son environnement immédiat a largement séduit.


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Township de Thozoka

Il y a plus d’une dizaine d’années, l’artiste, alors adolescente, avait participé à un programme de la fondation Rubis Mécénat, qui visait à développer la pratique de la photographie chez les jeunes de son township de Thozoka, dans la banlieue sud-est de Johannesburg.

Une exposition collective avait voyagé de la Ithuba Arts Gallery, à Joburg, jusqu’à Gand, en Belgique, et la jeune artiste, qui se destinait au journalisme, avait intégré le Market Photo Workshop, une école fondée par le célèbre photographe David Goldblatt (1930-2018). Cette aventure a conduit à la création d’un espace d’exposition commun et à la naissance du Collectif  Umhlabathi, qui rassemble sept jeunes photographes sud-africains autour d’Andrew Tshabangu, maître de la photo documentaire sociale et du noir et blanc.

« J’essayais, à l’époque, de présenter une vision globale. Aujourd’hui je m’intéresse à des sujets plus particuliers, et à la manière de les photographier », explique l’artiste. Pour la commissaire d’exposition Audrey Illouz, Tshepiso Mazibuko « photographie des gens qu’elle connaît et côtoie, témoigne de l’attention à des voisins ou à des amis qui peuvent se trouver dans des situations difficiles… Elle livre sa vision, intime, de sa communauté et de sa génération, mais son regard, empreint d’empathie et de tact, évite la dramatisation et le misérabilisme ».

"Thapelo, Thokoza, 2017-2018", série Ho tshepa ntshepedi ya bontshepe, de Tshepiso Mazibuko. © Courtesy Tshepiso Mazibuko

« Thapelo, Thokoza, 2017-2018 », série Ho tshepa ntshepedi ya bontshepe, de Tshepiso Mazibuko. © Courtesy Tshepiso Mazibuko

Issue d’une famille nombreuse, Tshepiso Mazibuko appartient à la génération des born-free, ceux qui sont nés après la fin de l’apartheid. Ses images, qui montrent un quotidien désenchanté, témoignent que cette époque n’est toutefois pas révolue, que les inégalités sociales et raciales demeurent. La série primée à Arles, qui remonte à quelques années déjà, est intitulée « Ho tshepa ntshepedi ya bontshepe » : « Croyons en quelque chose qui n’arrivera jamais », en sesotho.


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Dans ce township comme suspendu dans le temps, révélateur d’une Afrique du Sud à deux vitesses, l’urbanisme n’a pas évolué et les conditions de vie restent précaires. « Nous n’avons pas les moyens d’atteindre nos rêves, et le système n’a pas été conçu pour que la jeunesse noire les réalise », a déclaré la jeune femme à Arles, en recevant ses prix.

Travail à quatre mains avec Sibusiso Bheka

Olivier Sultan, galeriste à Harare, au Zimbabwe, dans les années 1990 et qui, depuis 2000, dirige la galerie Art-Z, à Paris, consacrée à la photographie et aux arts visuels africains, expose à Arles des grands noms du passé (Malick Sidibé, Sanlé Sory) ainsi que des artistes contemporains (Nyaba Ouédraogo, Mabeye Deme, Mouhamadou Diop, Bruce Clarke, Andile Bahla). Au sujet de Tshepiso Mazibuko, il parle d’un travail « très fort, sans pathos ni militantisme, d’une grande tendresse, qui montre la fragilité et le désenchantement de cette génération post-apartheid ». « Malgré les désillusions, elle introduit dans sa narration de la poésie et de la beauté d’une manière touchante », ajoute-t-il.


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Invitée, à son retour en Afrique du Sud, par l’animateur de radio Aubrey Masango, qui soulignait « la vulnérabilité palpable » de ses sujets et « l’authenticité, la tension et la dissonance » qui se dégagent de ses images, Tshepiso Mazibuko a concédé que « le point de vue émotionnel » l’emmenait à photographier, et qu’elle avait la chance de pouvoir tracer son chemin en toute liberté. « Je ne me suis jamais considérée comme pauvre, je n’ai jamais confié mes doutes et mes luttes. Je ne veux pas être “la fille du township.” »

Aujourd’hui, l’artiste présente au festival PhotoSaintGermain un travail à quatre mains réalisé avec Sibusiso Bheka, son compagnon de route de longue date.

"Beirut, Thokoza, 2017-2018", série Ho tshepa ntshepedi ya bontshepe, de Tshepiso Mazibuko. © Courtesy Tshepiso Mazibuko

« Beirut, Thokoza, 2017-2018 », série Ho tshepa ntshepedi ya bontshepe, de Tshepiso Mazibuko. © Courtesy Tshepiso Mazibuko

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