Publié le 4 octobre 2024
Lecture : 3 minutes.
Obtenu à l’issue de deux ans de négociations, entamées après le vote d’une résolution de l’Assemblée générale de l’ONU, cet accord, qui permet à Londres de conserver sa base militaire commune avec les États-Unis sur l’île principale de Diego Garcia, a aussitôt été salué par le président américain, Joe Biden.
La base militaire, au positionnement stratégique dans l’océan Indien, joue « un rôle essentiel dans la sécurité nationale, régionale et mondiale », a-t-il souligné, se réjouissant que l’accord permette de « garantir son bon fonctionnement au cours du siècle prochain ».
Selon une déclaration commune des gouvernements britannique et mauricien, « le Royaume-Uni acceptera que l’île Maurice soit souveraine sur l’archipel des Chagos ». Mais « pendant une période initiale de 99 ans », le Royaume-Uni sera « autorisé à exercer des droits souverains » sur Diego Garcia, « pour assurer la poursuite de l’exploitation de la base ».
Le Premier ministre mauricien, Pravind Jugnauth, s’est réjoui de vivre « un jour historique ». « Aujourd’hui, 56 ans après notre indépendance, notre décolonisation est complétée. Aujourd’hui notre hymne national peut résonner encore plus fort sur tout notre territoire », a-t-il déclaré dans un discours retransmis à la télévision.
L’archipel des Chagos, composé d’une cinquantaine d’îles au milieu de l’océan Indien, est au cœur d’un litige territorial de près de 60 ans. Il est administré depuis 1965 par Londres, qui y a installé une base militaire commune avec les États-Unis sur l’île de Diego Garcia.
« Une victoire historique »
Maurice, qui a obtenu son indépendance du Royaume-Uni en 1968, revendiquait le territoire des Chagos et demandait le retour de l’archipel dans son giron. Le Royaume-Uni avait expulsé environ 2 000 habitants des Chagos vers Maurice et les Seychelles pour installer sa base.
Le président du Groupe Réfugiés Chagos, Olivier Bancoult, a salué « une victoire historique ». « On pourra retourner sur deux des trois îles de peuplement aux Chagos : Peros Banhos et Salomon. Bien entendu, on ne pourra pas retourner sur Diego Garcia, qui abrite la base navale qui reste sous le contrôle des Britanniques et des Américains », a-t-il commenté.
« Cette étape importante marque une victoire majeure pour la cause de la décolonisation, du droit international et de l’autodétermination du peuple de Maurice, mettant fin à des décennies de conflit », a estimé sur X le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat.
la suite après cette publicité
Des négociations sur la souveraineté de l’archipel avaient débuté fin 2022 avec le gouvernement conservateur alors au pouvoir au Royaume-Uni. « Il s’agit d’un moment charnière dans nos relations et d’une démonstration de notre engagement durable en faveur du règlement pacifique des différends et de l’État de droit », ont souligné le Royaume-Uni et Maurice dans leur déclaration commune. La concrétisation de cet accord est encore soumise à la finalisation d’un traité.
Critiques de l’opposition britannique
« Ce gouvernement a hérité d’une situation dans laquelle le fonctionnement sûr et à long terme de la base militaire de Diego Garcia était menacé, avec une souveraineté contestée et des défis juridiques persistants », a souligné le chef de la diplomatie britannique, David Lammy. « L’accord d’aujourd’hui garantit l’avenir de cette base militaire essentielle », s’est félicité le responsable travailliste, arrivé au gouvernement en juillet avec l’élection du Premier ministre, Keir Starmer.
L’opposition conservatrice a, quant à elle, critiqué l’accord : « Faible, faible, faible », a déploré l’ancien chef de la diplomatie britannique, James Cleverly, en lice pour prendre la tête du parti Tory, quand Robert Jenrick, un autre candidat, dénonçait carrément une « capitulation » du Royaume-Uni.
En 2019, l’Assemblée générale de l’ONU avait demandé au Royaume-Uni de rétrocéder sous six mois à l’île Maurice l’archipel des Chagos. La résolution demandait « de reconnaître que l’archipel des Chagos fait partie intégrante du territoire mauricien, d’appuyer la décolonisation de Maurice le plus rapidement possible et de s’abstenir d’entraver ce processus ». Elle faisait suite à une décision dans le même sens de la Cour internationale de Justice quelques mois auparavant.
En 2023, Human Rights Watch a publié un rapport accusant le Royaume-Uni et les États-Unis de s’être rendus coupables de crimes contre l’humanité en déplaçant des populations indigènes sur l’archipel contesté, accusation alors rejetée « catégoriquement » par Londres.
En 2016, le Royaume-Uni avait prolongé jusqu’en 2036 un contrat sur l’utilisation de cette base militaire avec les États-Unis. Elle a notamment joué un rôle stratégique pendant la Guerre froide, puis dans les années 2000 lors des conflits en Irak et en Afghanistan.