Le rideau se lèvera bientôt sur la 77ème édition du Festival de Cannes, prévue du 14 au 25 mai 2024. Cette année, alors que le cinéma arabe se fait discret et même quasi absent, l’Inde prend la scène cannoise d’assaut avec plusieurs films sélectionnés dans différentes sections, marquant ainsi une avancée significative dans la reconnaissance mondiale du cinéma indien.
Ce cinéma, souvent méconnu et mal compris en dehors de ses frontières, est pourtant l’un des plus vastes et diversifiés au monde, rivalisant même avec l’industrie cinématographique américaine.
Les films indiens sélectionnés au 77ème Festival de Cannes sont :
Compétition officielle :
All We Imagine As Light de Payal Kapadia : Ce premier long-métrage de fiction de Kapadia offre une exploration poétique de la vie urbaine en Inde, mettant en lumière les rêves et les aspirations de deux colocataires dans un village côtier.
Synopsis :
Prabha, une infirmière vivant à Mumbai, cache son tourment intérieur en se jetant à corps perdu dans son travail. Lorsqu’elle reçoit un cadeau inattendu, elle ne peut plus échapper au passé qu’elle a jusqu’alors tenté d’écarter. Anu, sa jeune et insouciante colocataire, cherche un endroit dans la ville où elle et son amoureux pourront enfin faire l’amour. Les deux femmes se rendent dans une ville côtière. Là-bas, une forêt tropicale devient un espace de liberté où leurs désirs peuvent enfin se manifester.
C’est la première fois depuis 1994 qu’un film indien est sélectionné en compétition officielle, marquant ainsi un événement majeur dans l’histoire du cinéma indien et sa reconnaissance au niveau international.
Un Certain Regard :
– Santosh de Sandhya Suri : Ce film poignant explore le voyage émotionnel d’une jeune femme confrontée à la perte de son mari policier, offrant une méditation sur le deuil et la résilience dans la société indienne contemporaine.
Synopsis :
Après la mort de son mari, Santosh, une jeune femme, hérite de son poste et devient policière dans les terres arides du nord de l’Inde. Lorsqu’elle est appelée sur le lieu du meurtre d’une jeune fille de caste inférieure, Santosh se retrouve plongée dans une enquête tortueuse aux côtés de la charismatique inspectrice Sharma, qui la prend sous son aile.
– The Shameless de Konstantin Bojanov : Plongeant au cœur de l’Inde contemporaine, ce film explore les complexités de l’amour et de l’identité à travers l’histoire de deux femmes cherchant refuge auprès de travailleuses du sexe.
Synopsis :
Rani, une prostituée indienne annonce à sa famille qu’elle part en pèlerinage dans un temple lointain. Le voyage va constituer pour elle une occasion de réfléchir sur son passé tumultueux, notamment son histoire d’amour de jeunesse avec une autre fille, Renuka, à présent incarcérée à perpétuité pour meurtre à Bangalore, une ville qui se trouve justement sur le chemin de Rani.
Cannes Classics :
Manthan de Shyam Benegal : Présenté dans la section Cannes Classics, ce film offre une réflexion profonde sur les luttes sociales et économiques des agriculteurs indiens, offrant un regard éclairant sur l’histoire et la culture de l’Inde.
Synopsis :
Le docteur Rao, vétérinaire, tente de fonder une coopérative laitière dans un village dominé par Mishraji, qui exploite les producteurs de lait. Aidé par Bindu, une femme dalit, Rao cherche le soutien de cette communauté pour son entreprise. Malgré les obstacles, la coopérative gagne finalement le soutien du village, mais se retrouve confrontée à la corruption et aux intrigues politiques.
Cette année marque la troisième année consécutive qu’un film indien restauré est sélectionné dans la section Cannes Classics, soulignant l’engagement continu du Festival de Cannes à préserver et à célébrer le patrimoine cinématographique mondial, y compris celui de l’Inde.
La Cinef :
Sunflowers were the first ones to know de Chidananda S. Naik : Ce court-métrage offre un regard tendre et drôle sur la vie rurale de l’Inde, captivant par sa simplicité et son authenticité.
Synopsis :
Il était une fois dans un village, une vieille dame qui vole le coq et le soleil ne se lève plus jamais.
Compétition Immersive
Maya : Naissance d’une Super Héroïne de Poulomi Basu & CJ Clarke : Cette expérience en réalité virtuelle aborde les tabous entourant la menstruation et la sexualité féminine en Inde, offrant une immersion émouvante dans le monde de Maya, une adolescente confrontée aux défis de la puberté.
Synopsis :
L’histoire d’une jeune fille d’Asie du Sud qui passe à l’âge adulte et qui découvre sa sexualité. Elle doit surmonter sa honte et sa peur pour trouver sa force intérieure et ses véritables super-pouvoirs. Avec l’arrivée de ses premières règles, le monde de Maya est bouleversé car elle est confrontée aux traditions restrictives de sa famille conservatrice et à un monde de honte cachée, de stigmatisation et de tabous dans le Londres contemporain.
Quinzaine des Cinéastes :
Sister Midnight de Karan Kandhari : Cette œuvre audacieuse mêle comédie et féminisme pour offrir une exploration captivante de la liberté et de l’autonomie féminine dans la société indienne moderne.
Synopsis :
Mariage arrangé à Mumbai : l’homme est flasque et veule, la femme, une fois arrivée dans le taudis conjugal, assume une misanthropie ordurière, d’une rare verdeur. Coincée dans l’enfer du couple, Uma se transforme en une figure inquiétante sans états d’âme, donnant libre cours à ses pulsions féroces. Comédie fantastique punk, le film est gros de références américaines à l’écran, comme dans la bande originale, toujours surprenante, depuis la country jusqu’au hard rock.
ACID :
In Retreat de Maisam Ali : Ce film transporte le spectateur dans les paysages magnifiques du Ladakh, offrant une méditation contemplative sur la solitude et la rédemption.
Synopsis :
Quelque part entre la fin de l’automne et le début de l’hiver, un homme rentre chez lui, dans une petite ville de montagne. La cinquantaine, toujours absent et en retard, ayant manqué l’enterrement de son frère, il s’attarde sur le seuil de la vieille maison – que peut-il espérer de plus pour retarder d’une nuit son arrivée ?
La présence de plusieurs films indiens à Cannes cette année va bien au-delà de simplement offrir une vitrine pour le cinéma indien. C’est une véritable célébration de la diversité culturelle et narrative de l’Inde, présentée sous un nouvel angle aux cinéphiles du monde entier. En brisant les stéréotypes et les préjugés souvent associés au cinéma indien, cette sélection témoigne de la vitalité et de la richesse du paysage cinématographique indien, mettant en lumière des histoires qui vont au-delà des frontières géographiques et culturelles.
De plus, cette reconnaissance au sein d’un festival aussi prestigieux que celui de Cannes offre aux cinéastes indiens une plateforme mondiale sans précédent. C’est l’opportunité pour eux de partager leurs visions uniques, leurs récits authentiques et leurs perspectives profondes avec un public international avide de découvrir de nouvelles voix et de nouvelles histoires. En permettant à ces talents émergents de prendre place aux côtés des plus grands noms du cinéma mondial, Cannes joue un rôle crucial dans la promotion de la diversité culturelle et de l’échange interculturel.
La présence de ces films indiens à Cannes ne se limite pas à une simple projection de films, mais constitue un véritable dialogue entre les cultures, un échange d’idées et d’émotions qui transcende les frontières nationales. C’est une invitation à explorer la richesse et la profondeur de la culture indienne à travers le prisme magique du cinéma, et un pas de plus vers une compréhension mutuelle et une appréciation des différentes perspectives qui enrichissent notre monde.
La présence de ces films indiens à Cannes suscite également l’enthousiasme quant à la possibilité de voir des stars indiennes renommées fouler le tapis rouge et participer aux divers événements du festival, ajoutant ainsi une dimension supplémentaire de glamour et de prestige à cet événement déjà prestigieux.
En plus des artistes qui accompagneront les films, tel Naseeruddin Shah qui assistera à la projection de Manthan, pourquoi pas Deepika Padukone, qui a déjà été membre du jury en 2022 et qui pourrait potentiellement faire une nouvelle apparition remarquée à Cannes ? Ou Amitabh Bachchan, légende vivante du cinéma indien ? Son statut d’icône et son impact sur l’industrie cinématographique en font une figure incontournable pour les événements prestigieux comme celui de Cannes.
Quant à Shah Rukh Khan, l’un des acteurs les plus influents et les plus populaires de l’industrie cinématographique indienne, sa présence à Cannes serait certainement un moment mémorable pour les fans du monde entier. Avec le succès retentissant de ses films Pathan et Jawan en 2023, Shah Rukh Khan a confirmé sa position de superstar mondiale, ce qui pourrait lui valoir une invitation spéciale à Cannes.
En plus des films, cette année, la soirée d’hommage « Pierre Angénieux » qui se tiendra le 24 mai à 20h au Théâtre Buñuel du Palais des Festivals, mettra en lumière Santosh Sivan, un professionnel indien polyvalent reconnu pour ses talents dans le cinéma malayalam, tamoul et hindi en tant que directeur de la photographie, réalisateur, producteur et acteur. Membre fondateur de l’Indian Society of Cinematographers (ISC) et seul directeur de la photographie indien membre de l’American Society of Cinematographers (ASC), Sivan, avec plus de 50 longs métrages à son actif, est une véritable icône du cinéma indien. Succédant à des noms éminents comme Philippe Rousselot et Roger A. Deakins, il recevra cet hommage en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle à l’art cinématographique indien. De plus, le 23 mai, Sivan animera une Masterclass, offrant une opportunité unique d’approfondir son expertise et son expérience.
Préparez-vous à voyager en Inde avec Cannes! Sortez vos saris, vos kurtas et vos turbans, car cette édition promet une immersion inoubliable dans la richesse du cinéma indien.
Neïla Driss
