combien vont vraiment coûter les Jeux ?

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Vingt-huit novembre 2022. Il ne reste qu’un peu plus d’un an et demi avant les JO de Paris 2024. En cette journée d’automne, la tour Eiffel, qui accueillera à ses pieds les matchs de beach-volley, se découpe dans le ciel gris. Perché au premier étage de la dame de fer, le Salon Gustave-Eiffel fourmille. Un grand sourire accroché aux lèvres, Tony Estanguet, le président du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop), s’apprête à donner le coup d’envoi d’une « phase très déterminante dans la réussite des Jeux » : le lancement de la billetterie.

Paris 2024 a sorti le grand jeu pour faire mousser le storytelling autour des Jeux : des sportifs sont mobilisés, notamment les médaillées olympiques Laura Flessel (escrime) et Romane Dicko (judo), et un film compilant les grands moments des sportifs français lors des Jeux olympiques est diffusé. Mais derrière l’ambiance festive, l’heure est aux inquiétudes. Depuis plusieurs mois, l’inflation est en train de menacer l’équilibre du budget. En coulisses, le comité d’organisation s’active pour trouver des économies. Tous savent que les ventes de billets seront déterminantes pour s’assurer suffisamment de recettes. Il faut donc frapper fort, et faire de l’ouverture de la billetterie un événement.

Des budgets olympiques toujours largement dépassés

Paris 2024 est en effet attendu au tournant sur le coût de l’événement. Promesse avait été faite lors de la phase de candidature d’en faire les Jeux de la frugalité. Bien loin des dépenses excessives de Rio en 2016 (45,5 milliards d’euros), de Pékin en 2008 (44,7 milliards d’euros), ou de Londres en 2012 (15,2 milliards), le budget affiché au départ était d’un peu plus de 6 milliards d’euros. Un montant très raisonnable, situé entre celui des Jeux d’Atlanta en 1996 (5,1 milliards) et de Sydney en 2000 (7,6 milliards). Une frugalité rappelée régulièrement au sommet de l’État : le président Macron n’a cessé de marteler qu’il n’y aurait pas « d’impôt JO », et que « les Jeux doivent financer les Jeux ».

À LIRE AUSSI JO de Paris 2024 : les athlètes français qualifiés pour la compétitionÀ quelques jours du début de la compétition, où en sommes-nous ? Sans surprise, Paris 2024 n’a pas échappé à la malédiction des Jeux, c’est-à-dire au dépassement budgétaire. Selon les dernières données officielles, qui datent de fin 2023, la facture s’élève à près de 9 milliards d’euros. Cette ardoise correspond dans les faits à deux budgets différents.

En premier lieu, celui du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, chargé de la planification et de l’organisation de l’événement, qui s’élève à 4,4 milliards d’euros. 96 % du financement est assuré par des recettes privées, qui proviennent du CIO, de la vente de billets, du sponsoring ou de la vente des produits officiels. Les 4 % de financement public (environ 175 millions d’euros) sont censés financer les Jeux paralympiques. Le second budget est celui de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solideo), destiné à la construction d’infrastructures ; il s’élève à 4,5 milliards d’euros, dont 2,3 milliards d’argent public.

Une dérive excessive évitée à Paris

Mais il est loin d’être sûr que l’ardoise finale ne dépasse pas les 9 milliards d’euros, car il reste encore des inconnues et des zones d’ombre. « Le plus vraisemblable est un coût final qui s’établirait entre 9 et 10 milliards d’euros, ce qui serait une très bonne performance comparée aux autres éditions, explique Wladimir Andreff, professeur honoraire à Paris 1 et président du Conseil scientifique de l’Observatoire national du sport. Seuls Los Angeles en 1984 et Atlanta en 1996 ont fait mieux. »

Le dépassement budgétaire proviendrait en partie de l’inflation consécutive à la guerre en Ukraine, qui a fait flamber les prix en France, mais aussi de sous-évaluations des coûts dans le budget de candidature. Un classique : le système d’attribution des JO favorise en effet les dossiers qui promettent des merveilles mais sont peu chers, ce qui incite les villes candidates à sous-estimer les dépenses à venir. Mais Paris 2024 a réussi à éviter une dérive excessive, grâce à l’utilisation d’un grand nombre d’équipements existants.

À LIRE AUSSI À Saint-Dizier, « une première mondiale » pour l’héritage des JOSi le dépassement reste limité, il n’est pas sûr que les retombées économiques soient aussi élevées que le coût : selon une étude du Centre de droit et d’économie du sport, les Jeux olympiques de Paris devraient générer un surcroît d’activité économique de l’ordre de 6,7 à 11,1 milliards pour l’Île-de-France.

3 à 5 milliards de dépenses publiques

Reste à connaître le montant de la facture pour l’État… et le contribuable. Selon Bercy, qui additionne la part d’argent public dans le Cojop et la Solideo, le coût est d’un peu plus de 2 milliards d’euros. Mais comme le notait en janvier 2023 la Cour des comptes dans son rapport au Parlement, ceux-ci ne prennent pas en compte « les dépenses fiscales liées aux Jeux, les dépenses de sécurité et les dépenses de transport à la charge de l’État, des collectivités locales et des opérateurs. Elle ne prend pas davantage en compte les dépenses réalisées, hors budgets de la Solideo et du Cojop, principalement par les collectivités locales-hôtes ».

« Pour le moment, les dépenses publiques s’établissent à environ 3,2 milliards d’euros, mais nous n’avons pas encore les éléments pour estimer le coût global », a calculé de son côté Jean-Philippe Gayant, économiste du sport et professeur à l’IUT de Saint-Malo. La sécurité reste par exemple une grande inconnue, chiffrée dans un rapport de 2022 de la Cour des comptes à 419 millions d’euros. Mais depuis, le coût a pu grimper.

L’État a également prévu une garantie de 3 milliards d’euros, qui doit servir à éponger d’éventuels dépassements de budget de Paris 2024. Mais pour l’instant, rien ne dit qu’elle sera effectivement utilisée… Sauf catastrophe de dernière minute. Au printemps, Pierre Moscovici, le premier président de la Cour des comptes, estimait que la facture publique pourrait s’établir in fine entre 3 et 5 milliards d’euros. Une première estimation qui sera confirmée seulement après les Jeux. Les Sages de la rue Cambon se pencheront en effet sur le dossier dès la fin des JO, et, selon nos informations, un premier rapport devrait être rendu au printemps 2025.


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