comment l’armée française protège son matériel

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Improbable mais pas impossible… L’explosion téléguidée de bipeurs et de talkies-walkies au Liban a mis en lumière la vulnérabilité des équipements de communication, qui peuvent être altérés et transformés en armes de destruction. Les 17 et 18 septembre 2024, des centaines d’appareils de radiomessagerie utilisés par le Hezbollah ont explosé au même moment, tuant au moins 37 personnes et blessant près de 3 000 autres.

Selon le New York Times, les services secrets israéliens seraient parvenus à intercepter les bipeurs avant leur arrivée au Liban et à cacher de petites quantités d’explosifs et un détonateur à côté de la batterie.

La chaîne d’approvisionnement de l’armée française n’est bien entendu pas comparable à celle d’une organisation comme le Hezbollah. Pour autant, le risque de sabotage des équipements de nos militaires n’est pas à écarter, comme l’a lui-même affirmé le ministre des Armées Sébastien Lecornu, le 25 juin dernier, face aux sénateurs de la commission d’enquête sur les ingérences étrangères.

« La menace de sabotage est réelle »

« Toutes les usines fabriquant des équipements de caractère militaire ou [qui sont] intéressants à la défense nationale, au sens large, sont régulièrement contrôlées. Surtout depuis le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine », explique le général Jérôme Pellistrandi, rédacteur en chef de la revue Défense nationale. Sur la chaîne de montage du canon Caesar, symbole du soutien militaire de Paris à Kiev, le ministère a demandé au fabricant KNDS de dupliquer ses outils, au cas où l’un soit pris pour cible. Entre 2022 et 2024, une cinquantaine d’entreprises françaises de défense ont subi diverses attaques, allant des cyberintrusions aux cambriolages ciblés.

« Dans le contexte international actuel, la menace de sabotage est réelle », reconnaît la direction du renseignement et de la sécurité de la Défense (DRSD). Si les grandes entreprises de notre base industrielle et technologique de défense – Dassault, Thalès ou encore Safran – ont développé en interne des capacités importantes de protection, cela est moins vrai pour les plus petits sous-traitants, qui sont visés par 80 % de ces offensives. Mais un scénario à la libanaise pourrait-il avoir lieu en France ? A priori non.

Premièrement, le processus d’acquisition d’équipements des armées françaises répond à une procédure de contrôle de conformité basée sur des critères extrêmement stricts. Les forces armées n’utilisent pas de talkies-walkies, et encore moins des bipeurs. La gamme de postes radio de quatrième génération, actuellement déployée dans les armées françaises, et la gamme Contact, qui devrait la remplacer, ont été conçues et produites en France par Thalès.

Comme la plupart des autres équipements de l’armée française, ces postes radio sont soumis, lors des phases de conception, production, livraison, stockage, utilisation et démantèlement, à la réglementation sur la protection du secret de la défense nationale. « S’agissant de systèmes de communication, ils font également l’objet d’une traçabilité spécifique », précise le ministère des Armées. Ensuite, les actions de renseignement conduites par la DRSD ont permis jusqu’ici de détecter et d’entraver les projets ennemis.

Soupçons de sabotage dans une base militaire allemande

Néanmoins,le ministère des Armées se tourne de plus en plus vers des fournisseurs étrangers, selon un rapport d’information de la commission de la défense nationale et des forces armées publié en 2020. C’est le cas, en particulier, pour le marché de l’arme individuelle future : le HK 416 de la société allemande Heckler und Koch a été retenu en 2016 face au fabricant stéphanois Verney-Carron pour remplacer le célèbre FAMAS.

Mi-août, une base militaire allemande, située à proximité de l’aéroport de Cologne, a temporairement été fermée, à la suite de soupçons de sabotage sur son approvisionnement en eau. Ces derniers mois, plusieurs pays tels que la Pologne, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et la République tchèque ont signalé des incidents.

Tous ces événements, ainsi que les explosions des bipeurs et talkies-walkies du Hezbollah, montrent les risques, notamment sur les chaînes d’approvisionnement. L’Europe est particulièrement concernée en raison de la multiplication des acteurs impliqués.

En mars 2024, la Commission européenne a dévoilé la première stratégie industrielle de défense et un nouveau programme pour l’industrie de la défense. Les États membres sont invités à acquérir au moins 40 % des équipements de défense de manière collaborative d’ici à 2030. Une chaîne d’approvisionnement n’est jamais plus solide que son maillon le plus faible.


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