Emmanuel Macron a-t-il dissous les investissements étrangers en même temps que l’Assemblée ?

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Trois semaines avant de dissoudre par surprise l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron se félicitait encore, lors du sommet Choose France, que la France soit « le pays le plus attractif d’Europe » pour les investissements étrangers. Son coup de poker hasardeux du 9 juin a peut-être tout changé.

Selon une étude publiée par le cabinet EY, qui a sondé en octobre les intentions de deux cents dirigeants d’entreprises à capitaux étrangers, un sur deux estime que l’attractivité de la France s’est « détériorée au cours des six derniers mois ». Premiers motifs invoqués : « l’incertitude politique née de la dissolution de l’Assemblée nationale » (61 %), « l’incertitude relative à la fiscalité sur les entreprises en France » (42 %), et « la dégradation des finances publiques en France » (37 %).

Conséquence : un sur deux (49 %) a décidé de réduire ses investissements planifiés en France en 2024, après la dissolution de l’Assemblée nationale. 59 % de ceux qui appuient sur le frein évoquent « l’incertitude réglementaire et législative », 47 % « le ralentissement de l’agenda des réformes », et 40 % « la remise en cause des décisions publiques prises précédemment, en particulier dans les secteurs clés ».

« Dépit amoureux »

Pour Marc Lhermitte, associé EY, la dissolution de l’Assemblée nationale marque, pour les entreprises étrangères, la fin d’une « longue période où le cap était fixé et constamment tenu, avec ce que d’aucuns ont appelé une politique de l’offre, en tout cas une vraie politique pro-business qui avait rétabli la confiance ».

On n’est pas encore dans une fuite massive des investissements. Mais dans une sorte de « dépit amoureux », estime l’expert, responsable au plan mondial pour EY du conseil en matière de « compétitivité et attractivité ». « Les dirigeants n’abandonnent pas la France. Mais ils prennent en compte la nouvelle situation. Ils la trouvent un peu plus inconfortable, ils sont un peu déçus. »

Qui va profiter de ce trou d’air, s’il venait à se confirmer ? EY estime que « le Royaume-Uni pourrait être le premier bénéficiaire de cette panne française, dans un contexte où l’Europe est menacée par le protectionnisme américain et les ambitions chinoises ». 42 % des dirigeants sondés estiment que « le Royaume-Uni a gagné en attractivité depuis six mois par rapport à la France », contre 29 % qui pensent le contraire.

À LIRE AUSSI « Ça tangue très fort » : Macron, l’étrange fin de règne La dissolution aura-t-elle, pour la France, le même effet que le Brexit sur le Royaume-Uni ? Depuis 2017, le nombre d’investissements directs étrangers a baissé de 18 % outre-Manche. « Il est encore trop tôt pour dire s’il y aura un basculement en faveur du Royaume-Uni », commente Marc Lhermitte.

« C’est un pays qui a encore un très gros sujet sur l’inflation, ou sur la qualité des services publics. Mais elle a des avantages pour les entreprises américaines, avec un marché du travail super flexible, qui ressemble à ce qu’elles trouvent chez elles. » Principal avantage par rapport à la situation actuelle en France : « Les règles du jeu sont claires. » L’Allemagne, de son côté, est évaluée encore plus négativement que la France par les investisseurs étrangers. Mais « des pays challengers, comme l’Espagne, l’Italie ou les Pays-Bas, où les règles du jeu sont claires, pourraient tirer les marrons du feu ».

« Première attente : la fiscalité »

Ce qui pourrait convaincre durablement ces investisseurs de continuer à choisir la France ? « Leur première attente, c’est celle de la fiscalité », estime Marc Lhermitte. « Si on leur demandait de contribuer, de manière exceptionnelle, au déficit public et au remboursement de la dette, il faudrait que cette contribution soit mesurée dans le temps et dans son ampleur. » Ils veulent bien payer, mais attendent « du donnant-donnant », avec « une optimisation de la dépense publique » et « une simplification de leur quotidien ».

Deuxième attente de leur part : « Ils veulent plus d’Europe. » « Le rapport Draghi a permis de fixer les esprits sur un vrai cap européen, qui ressemble à ce que les dirigeants “achètent” en France depuis quelques années. » Ils souhaiteraient également « un déploiement plus clair de la décarbonation et de la transition écologique ».

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Interrogés sur le sort des investissements non réalisés en 2024, 84 % des dirigeants répondent qu’ils sont reportés à 2025, au moins. Ils sont plus de 60 % à prévoir de développer des activités de recherche et développement ou de services en France d’ici à 2027, mais 49 % seulement pour des implantations ou des extensions d’usines à trois ans.

Et à peine 15 % prévoient de développer des centres de décision en France. Le prochain baromètre EY dira, début 2025, si la courbe des investissements étrangers s’est inversée en France, ou pas, cette année. Et si c’est le cas, quels pays en auront bénéficié.


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