ils roulent en Tesla, mais pas pour Elon Musk !

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C’est peut-être un détail pour nous, mais pour eux ça veut dire beaucoup. Avant de prendre la route, de plus en plus de propriétaires de voitures électriques Tesla font une dernière vérification : s’assurer que le sticker anti-Musk collé sur le pare-chocs arrière est bien visible.

Aux États-Unis, et plus particulièrement en Californie, principal marché des voitures électriques outre-Atlantique, il n’est plus rare de croiser des Tesla pimpées d’autocollants affichant très clairement l’opinion de leurs conducteurs sur Elon Musk. « I bought this before Musk went crazy » (« Je l’ai achetée avant que Musk ne devienne fou »), « Elon sucks » (« Elon est nul ») ou encore « Shut up, Elon » (« La ferme, Elon »).

Un signe de reconnaissance pour tous ceux qui avouent désormais « avoir honte » de conduire leur Tesla, épouvantés à l’idée que leur voiture puisse être perçue comme un acte de ralliement à Musk et à ses idées. Matt Hiller, dont les autocollants sont parmi les plus répandus, a commencé à vendre ses stickers en 2023. C’était quelques mois après le rachat de Twitter par Musk, qui en a fait un réseau social où prospèrent les fake news, les théories complotistes, les incitations à la haine et à la violence. Mais « les commandes d’autocollants ont atteint un record le lendemain des élections américaines », assurait-il au Guardian en novembre.

Rouler en Tesla fait-il « rouler » pour Elon Musk ?

Pour certains clients Tesla, sensibles aux problématiques environnementales et partisans d’une politique progressiste (une étude menée en octobre 2020 par la revue universitaire Energy Research & Social Science a montré que les démocrates américains étaient nettement plus disposés à adopter les véhicules électriques que les républicains), l’inquiétude concernant le pouvoir de nuisance de Musk s’est renforcée depuis qu’il a apporté son soutien à Donald Trump, qui deviendra en janvier le 47e président des États-Unis.

L’homme le plus riche du monde, avec une fortune récemment estimée à plus de 440 milliards de dollars, qui a largement contribué à financer la campagne de Donald Trump, multiplie les messages conspirationnistes et relaie abondamment les infox sur son compte Twitter. La radicalisation du nouvel homme fort de la prochaine administration Trump a fini d’écorner son image de leader du développement durable.

Rouler en Tesla s’apparente-t-il à « rouler » pour Musk ? Pour certains automobilistes, le rêve électrique s’est transformé en cauchemar moral. Si le mouvement de désolidarisation touche encore majoritairement les États-Unis, les propriétaires français de Tesla commencent eux aussi à faire part de leur malaise.

Tesla, les « meilleures voitures électriques du marché »

Romain habite à Paris. Il a « hésité à revendre » sa Tesla, dont il est propriétaire depuis 2021. « Les valeurs que défend Musk sont, de mon point de vue, dangereuses et l’idée d’être associé à lui me fait horreur. Sa vision politique du monde est aux antipodes de la mienne. » Gros conducteur, il a acheté sa voiture après avoir fait une étude de marché « approfondie ». « Je fais près de 100 kilomètres par jour pour aller au travail et j’ai estimé, pour des raisons écologiques, que le mieux était de passer à l’électrique. J’ai passé énormément de temps à regarder les différentes technologies, chez tous les constructeurs. Je ne pensais pas me tourner vers Tesla, qui me paraissait hors de portée en termes de prix. »

J’aime ma voiture, mais je me demande aussi quelle est ma part de responsabilité dans l’influence grandissante de Musk.

Il achète sa voiture 43 000 euros, dont « un tiers pris en charge par les aides de l’État ». « D’autres marques proposaient des voitures électriques plus petites, avec des autonomies plus faibles et des technologies bien moins avancées pour des prix quasi équivalents », précise Romain. Un rapport qualité/prix « sans égal », selon lui, et « la meilleure technologie à l’heure actuelle » pour réduire son empreinte carbone.

Il a beau avoir une vraie répulsion pour l’homme, il se trouve confronté à un dilemme moral : « J’aime ma voiture, je pense que ce sont les meilleures du marché pour l’heure, mais je me demande aussi quelle est ma part de responsabilité dans l’influence grandissante de Musk. »

« Dans mon esprit, Twitter et Tesla étaient deux choses différentes »

Claudia connaît ce cas de conscience. Résidente en Suisse, cette « écosensible » a acheté sa Tesla en octobre 2023. « J’ai conduit pendant vingt-cinq ans une voiture hybride quand je vivais en Californie. De retour en Europe, je me suis dit que ce n’était pas suffisant. » Pour elle comme pour Romain, « Tesla est ce qui a de mieux technologiquement ».

« J’ai toujours vu Elon Musk comme un génie un peu fou, un peu incontrôlable. » Les tweets erratiques et le style sans filtre de plus en plus clivant du milliardaire la mettent en colère, son agenda politique la préoccupe. « Il m’était déjà insupportable, mais X et Tesla étaient deux choses différentes dans mon esprit. » Sur sa lancée, elle achète des actions Tesla… qu’elle revend moins d’un an plus tard.

« J’ai vu rouge lorsque Musk a soutenu publiquement Donald Trump lors de la campagne présidentielle [le 14 juillet, au lendemain de la tentative d’assassinat du candidat républicain, NDLR]. Mon entourage m’a dit que ce n’était pas le moment parce que Trump avait de grandes chances de gagner. On m’a dit “si Trump est élu, le cours de l’action va tripler”. Mais c’était trop pour moi. »

Aujourd’hui, Claudia comme Romain se sentent tiraillés entre conduire bas carbone et participer indirectement au rayonnement idéologique du milliardaire, qu’ils jugent néfaste pour la démocratie. Un désenchantement d’autant plus amer que Musk a été présenté comme le chantre du progrès technologique au service du défi climatique, un entrepreneur visionnaire capable de changer nos modèles de consommation énergétique, soutien des démocrates lors des élections américaines de 2016 et 2020. « J’étais assez admiratif au départ », se souvient Romain.

Des consommateurs toujours fascinés par la vision d’Elon Musk

Marc*, ancien conseiller de vente resté quatre ans dans l’entreprise, se dit lui aussi « dégoûté » par les opinions du milliardaire (« J’ai admiré le businessman, maintenant je ne comprends plus ») mais assume son ambivalence : encore actionnaire, il suit de près la cotation en Bourse du titre et les annonces commerciales de Musk. « Il a présenté une ligne de produits qui vont révolutionner l’industrie. Associé à un Trump probusiness, j’ai l’impression que rien ne va lui faire obstacle. » Du reste, Marc reste également convaincu que la marque offre un « produit extraordinaire ».

À LIRE AUSSI Elon Musk, président des Entreprises-Unies d’AmériqueRomain ne cache pas le fait d’être toujours impressionné par « le modèle industriel complètement dingue » du constructeur, qui doit beaucoup à la vision d’Elon Musk qui, après avoir investi 6,5 millions de dollars dans Tesla en 2004, en devient président du conseil d’administration. Le Parisien le reconnaît : le volet technologique l’a finalement convaincu dans son achat. « La manière dont il a pensé la construction de ses voitures m’a bluffé, explique-t-il. Il est reparti de zéro pour produire des voitures accessibles par rapport aux technologies électriques du moment. »

Vers un boycott de Tesla ?

Musk sorti du bois, assistera-t-on à un boycott de Tesla ? À la dégradation de son image de marque ? Marc doute que les orientations politiques de son ancien patron nuisent à la marque. « Tous les propriétaires de Tesla ne sont pas aussi regardants sur la personnalité et les convictions personnelles du personnage. »

Romain, lui, se dit « toujours content » de sa voiture « technologiquement ultraperformante ». Il n’envisage plus de revendre sa Tesla, « un investissement financier ». Claudia est plus indécise : « Je ne sais plus quoi faire. J’essaie de me dire que Tesla n’est pas Musk, qu’il s’agit de deux choses différentes. J’essaie de me donner bonne conscience, je l’admets. » Ni l’un ni l’autre n’afficheront un sticker anti-Elon sur leur véhicule, mais tous les deux sont catégoriques : ils ne rachèteront pas une voiture du constructeur américain tant que le milliardaire sera à sa tête.


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En attendant, l’entreprise se porte bien. La baisse des ventes – un recul de 6,64 % au premier semestre 2024 par rapport à l’année précédente – a été contrebalancée par la forte progression de l’action après les résultats de l’élection présidentielle (près de 15 % le 6 novembre). Et, si Elon Musk récolte seulement 6 % d’opinions positives chez les électeurs démocrates, selon un sondage commandé par NBC en septembre, il est loué par 62 % des républicains, désormais aux commandes des États-Unis. Les rangs du « Anti-Elon Tesla Club » pourraient bien se clairsemer.

* Le prénom a été modifié


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