La dette explose, les services publics se dégradent, Macron regarde ailleurs

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Deux des trois agences de notation les plus influentes sur les marchés financiers, Fitch Ratings et Moody’s, ont mis à jour leur évaluation de la solvabilité de la dette publique française, le 26 avril. Cette révision de la note financière de la France a lieu tous les six mois. Plus de peur que de mal : la France a échappé à une sanction et les deux agences ont maintenu leurs notations, ainsi que leurs perspectives, inchangées. Standard & Poor’s (S & P), considérée comme l’agence la plus influente de toutes, livrera, quant à elle, son verdict vendredi 31 mai. Avant cette échéance, « Le Point » vous propose une série en cinq épisodes pour tout comprendre de la situation des finances de la France.

La France est championne des dépenses publiques. Avec 57,3 % du PIB consacré au financement des politiques publiques, l’Hexagone se place largement au-dessus de la moyenne européenne, à 49,4 % du PIB en 2023. Neuf points en plus ! Et c’est valable dans presque tous les domaines.

Dépenses de santé, retraite, chômage, enseignement, culture, défense… Dans ces différentes fonctions, la France dépense plus, en pourcentage du PIB, que l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie ou les Pays-Bas, selon les données publiées sur Fipeco. La France consacre ainsi 5,2 % de son PIB à l’enseignement, contre 4,7 % en moyenne dans l’Union européenne, et 4,5 % en Allemagne.

Pourtant, cette allocation de moyens ne semble pas être suivie d’une amélioration des services publics. Dans un rapport de trois cents pages publié en septembre 2023, le collectif de Nos services publics, réunissant des agents de l’État, des hôpitaux et des collectivités, fait état du « sentiment d’effondrement des services publics, de la part des citoyens mais aussi des agents publics ». Selon un sondage Ifop réalisé en 2022, 61 % des Français estiment que les services publics fonctionnent mal.

Situation « catastrophique » des urgences

Les pénuries de médecins généralistes dans certains territoires entraînent « une pression accrue sur les établissements hospitaliers » pointent les auteurs de ce rapport. Le syndicat Samu-Urgence alertait, en septembre, sur la situation « catastrophique » des services d’urgence : « La sécurité sanitaire n’est parfois plus assurée, y compris pour l’urgence vitale. »

Faute de salaires suffisants et de conditions de travail attractives, les hôpitaux et écoles publics font face à d’importantes difficultés de recrutement. Une enquête de la Fédération hospitalière de France (FHF) conduite au printemps 2022, estime ainsi que 99 % des hôpitaux et Ehpad publics manquent de soignants.

La justice aussi est à la peine. Les présidents des tribunaux judiciaires ont calculé qu’un accroissement de 35 % des effectifs serait nécessaire pour pallier les seuls besoins urgents ! Dans certaines universités, la Cour des comptes pointe régulièrement du doigt la situation des bibliothécaires et agents administratifs qui ne font toujours pas 35 heures. Avec, forcément, un impact sur la qualité du service rendu.

« Quelques indicateurs montrent une dégradation de l’investissement de l’État et, donc, du service public rendu », reconnaît prudemment Lisa Thomas-Darbois, directrice des études à l’institut Montaigne, qui tempère toutefois : « Il s’agit davantage d’un ressenti, il n’y a pas d’étude qui l’étaye vraiment. » Comment expliquer cette situation malgré le budget conséquent qui leur est alloué ?

« Du gaspillage »

« Pour des raisons structurelles et économiques, il y a une augmentation tendancielle du coût des services publics. Par exemple, l’accroissement des dépenses de santé va de pair avec l’allongement de l’espérance de vie, les dépenses environnementales augmentent pour faire face aux défis qui s’imposent… », justifie Lisa Thomas-Darbois. L’économiste Marc Touati, de son côté, est plus catégorique : « C’est du gaspillage pur et simple. »

À LIRE AUSSI Dette : Macron, le président qui n’arrête pas de signer des chèques « Ce n’est pas un problème de moyens mais d’allocation des moyens », assure le président du cabinet Acdefi (Aux commandes de l’économie et de la finance). « Il y a une sorte d’inefficacité de la dépense publique qui s’est accrue avec le Covid et la politique du quoi qu’il en coûte », estime l’économiste.

« On a donné de l’argent à tout le monde sans regarder, donc ça finit par faire des entreprises zombies qui auraient dû faire faillite et ont été maintenues en vie artificiellement », développe Marc Touati. En effet, 57 700 procédures de faillite ont été ouvertes en 2023, soit 35,8 % de plus qu’en 2022. « Cela aura comme conséquence un manque à gagner sur les recettes fiscales », anticipe-t-il.

Au-delà du cas particulier du quoi qu’il en coûte, « on a perdu la notion de dépense publique, un denier public est considéré par le citoyen, les entreprises ou les ménages comme étant dû », estime Lisa Thomas-Darbois, de l’institut Montaigne. « Aujourd’hui, on parle de revue des dépenses, on abandonne l’idée de s’attaquer au millefeuille administratif, donc on donne seulement des coups de rabot », déplore l’experte. Politiquement, la mise en place d’une réforme d’ampleur est risquée, admet-elle toutefois : « Les 20 milliards d’euros d’économies, c’est juste pour rassurer les marchés. »

3 101,2 milliards
C’est le montant de la dette publique française à la fin de l’année 2023


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