Delphine Ernotte est sur un petit nuage. Les succès des JO de Paris 2024 et des Jeux paralympiques ont dynamisé France Télévisions, que certains politiques projetaient il y a peu de privatiser ou de fusionner avec Radio France. « Nous avons vécu une expérience incroyable et une mobilisation sans précédent […]. Un sans-faute disent nos téléspectateurs », se félicite le 4 septembre sa PDG au côté de Tony Estanguet sur la scène installée au siège de France Télévisions.
À LIRE AUSSI Comment France Télévisions relance la bataille de l’informationGrâce aux JO, la chaîne publique France 2 est passée devant TF1 pour la première fois depuis la privatisation en 1987. En août 2024, sa part d’audience a bondi à 23,3 %, une hausse de 9,1 points sur un an, contre 16,9 % pour TF1, en recul de 2,2 points. Le 10 septembre au matin, Delphine Ernotte, toujours sur son petit nuage post-paralympiques, souligne au micro de France Inter : « Notre préoccupation est d’équilibrer tous les ans les comptes de France Télévisions, d’équilibrer le surcoût que représente le fait d’accueillir les Jeux en production et en droits. Il se trouve que la publicité a permis d’équilibrer. Donc on a dépensé l’argent public au plus juste. »
Les dépenses et les recettes
Parler « d’équilibrer » revient à aller un peu vite en besogne. Petit retour en arrière. Sur ordre de l’Élysée, l’État actionnaire avait fait pression pour que France Télévisions acquière en 2019 les droits de diffusion de Paris 2024, le lot comprenant aussi les JO d’hiver de Pékin 2022. L’achat se fait auprès de la société américaine Discovery pour un montant faramineux. Il est estimé à 130 millions d’euros, selon les experts en droits sportifs interrogés par Le Point. TF1 propose ensuite de payer pour partager des droits avec le groupe public, ce qu’il refuse. Cela aurait pu être une occasion d’alléger la facture d’un événement qui se déroule en plein été et donc jugé difficilement amortissable avec la seule publicité.
France Télévisions a, certes, su monétiser Paris 2024. À la régie publicitaire, on se félicite aujourd’hui de recettes records dues à des audiences au top et un travail en amont avec les annonceurs, dont les marques partenaires. Le chiffre d’affaires net ressort de 107 millions d’euros, précise le groupe public. Ce montant « exceptionnel » correspond au « cumul de la publicité des spots classiques [dont la part représente 30 à 40 %], du parrainage, des opérations sur mesure et de la communication digitale ».
Le chiffre de 107 millions d’euros peut paraître un jackpot. Pour autant, il « n’équilibre » pas les comptes des JO. « À la facture de 130 millions des droits, il faut ajouter entre 20 et 40 millions d’euros de coûts de production, soit un total de 150 à 170 millions d’euros au bas mot », remarque un grand professionnel spécialiste des droits sportifs. L’ardoise atteint donc entre 40 millions et 60 millions d’euros. « Une cinquantaine de millions d’euros, ça fait cher pour le contribuable », raille un dirigeant de médias.