Travailler quatre jours au lieu de cinq tout en conservant le même salaire. Sur le papier, la formule paraît alléchante. Un salarié sur deux serait séduit par cette organisation, selon une étude réalisée par le Crédoc pour le groupe Adecco. Le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) a interrogé un échantillon représentatif de 2 976 personnes et 7 entreprises ayant instauré la semaine de quatre jours.
Résultat : les salariés estiment que ce nouveau « jour off » pourrait leur permettre de « dégager du temps pour (leurs) occupations personnelles, familiales ou autres » (51 %), « avoir un meilleur équilibre de vie » (43 %) ou passer moins de temps dans les transports (18 %).
Côté employeur, les petites structures, qui ne peuvent pas offrir les mêmes salaires que les grands groupes, envisagent la semaine de quatre jours comme un « avantage concurrentiel ». Les entreprises espèrent aussi diminuer le turn-over et l’absentéisme ainsi que faciliter les recrutements.
Le phénomène est encore très minoritaire en France, où seulement 10 000 salariés étaient concernés début 2023, selon le ministère du Travail. Mais le sujet fait son chemin. Dans son discours de politique générale prononcé fin janvier, le Premier ministre Gabriel Attal a demandé « à l’ensemble de (ses) ministres d’expérimenter cette solution ». En Europe, l’idée essaime dans plusieurs pays, comme l’Espagne qui l’a expérimenté dans 250 PME ou bien encore le Royaume-Uni. Reste à savoir de quoi l’on parle. Pour Gabriel Attal, c’est « la semaine en quatre jours » qui est promue, c’est-à-dire, sans réduction du temps de travail.
Casse-tête pour les parents
Or, ces journées à rallonge ne sont pas au goût de tous les salariés. « Les journées de travail peuvent être éreintantes pour certains salariés qui sont présents jusqu’à 10 h 30 en continu sur leur lieu de travail. Certains peuvent être amenés à demander à repasser à la semaine de cinq jours parce que le rythme est trop dense », témoigne ainsi une entreprise du secteur de la restauration, interrogée par l’étude, qui a mis en place la semaine de quatre jours.
En effet, un tiers (33 %) des salariés redoute la fatigue liée à l’allongement des journées de travail, révèle l’étude Adecco. Pour les parents de jeunes enfants, la situation peut aussi virer au casse-tête avec des horaires de garde rallongés et, donc, des frais supplémentaires. 37 % des parents d’enfants de moins de 10 ans anticipent ces difficultés. Dans les foyers « bi-actifs », où les deux conjoints travaillent, « l’extension des horaires de travail de l’un implique que l’autre puisse assurer l’ensemble des tâches parentales, une conséquence qui pourrait peser davantage pour les femmes », anticipent les auteurs de l’étude. En effet, les femmes réalisent encore les trois quarts des activités parentales, selon l’Insee.
Pour les familles monoparentales, cette organisation complexifierait tant le quotidien que 7 % des parents en solo estiment qu’ils devraient renoncer à leur emploi, contre 4 % de l’ensemble des salariés interrogés. « La demande des familles monoparentales, c’est plutôt de terminer tôt, pour aller chercher les enfants à l’école. Cela implique sinon des frais de garde un peu plus élevés. Leur demande n’est pas nécessairement d’avoir une journée « off » dans la semaine », explique une agence d’emploi, qui a instauré la semaine de quatre jours.
Enfin, les personnes en situation de handicap ou les malades chroniques seraient souvent exclus du dispositif. Une entreprise de diffusion de mobilier et de matériel professionnel, citée dans l’étude, évoque ainsi le cas d’une personne atteinte d’un handicap visuel qui l’empêche de conduire la nuit : « En hiver, ce n’est pas possible pour cette personne de s’adapter aux amplitudes horaires demandées. »
Conflits internes et risques d’erreur
Bien que plus marginaux, les risques d’erreurs sont aussi redoutés par 7 % des salariés interrogés. L’étude alerte aussi sur les potentiels conflits internes générés par le choix du « jour off » au sein des équipes. La compression de la semaine de travail peut aussi induire « une plus grande charge mentale et, in fine, plus de stress pour les manageurs » chargés des plannings, pointent les auteurs.
De leur côté, sans surprise, les salariés qui ont adopté la semaine de quatre jours avec une réduction du temps de travail sont globalement plus satisfaits. « Ils se sentent bien, considérés, reposés. Et du coup, ils ont plus d’énergie, ils travaillent plus vite, sans pour autant générer des accidents en plus, ils ont été divisés par deux au niveau de l’entreprise », témoigne une entreprise de vente à distance, qui a instauré la semaine de 32 heures en quatre jours il y a trois ans.
Reste que diminuer le temps de travail des salariés pèse souvent sur la productivité et, donc, sur la rentabilité économique. Ce que peu d’entreprises peuvent se permettre. « Le maintien de la rentabilité économique est présenté comme une condition sine qua non à l’adoption de la semaine en quatre jours » dans quatre des sept entreprises interrogées.