La France aime les acrobaties fiscales. Il y a l’impôt temporaire qui devient définitif, comme la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus mise en place par Sarkozy, et qui existe toujours. Mais il y a aussi l’impôt supprimé que l’on aimerait ressusciter.
À chaque projet de loi de finances depuis 2018, nous avions l’habitude d’entendre des voix réclamer le retour de l’impôt sur la fortune (ISF) supprimé par Emmanuel Macron lors de son arrivée au pouvoir. Cette année, les députés et les élus locaux ont une autre idée : et si l’on remettait en place la taxe d’habitation ? L’idée est notamment portée par le parlementaire David Guiraud, député LFI du Nord, qui a déposé un amendement en ce sens, ou Jean-François Copé, maire Les Républicains de Meaux (Seine-et-Marne).
Pour rappel, la suppression de la taxe d’habitation, qui alimentait les caisses des communes et des intercommunalités, était une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, qui à l’origine devait concerner seulement 80 % des ménages. Finalement, elle a été supprimée pour tout le monde. Cette baisse s’est étalée de 2018 à 2023, et un mécanisme de compensation a été mis en place pour les collectivités locales.
Injuste et complexe
Le but premier était évidemment de faire gagner du pouvoir d’achat aux Français. Un objectif atteint, selon Jean-René Cazeneuve, ex-rapporteur général du budget. Selon ses calculs, le gain a été d’environ 642 euros par ménage, les locataires en profitant un peu plus que les propriétaires, qui ont vu leurs impôts fonciers augmenter.
Cet impôt était également critiqué, car considéré comme « injuste » : le montant de l’impôt dépendait en effet plus de l’endroit où l’on vivait que de la valeur de son bien. Les villes qui récoltaient des recettes importantes des entreprises, comme les quatre villes (Puteaux, Nanterre, Courbevoie et La Garenne-Colombes) ayant une partie de leur territoire sur le quartier d’affaires de la Défense, pouvaient se permettre d’avoir une taxe d’habitation beaucoup moins élevée que la moyenne.
La taxe d’habitation était également critiquée car « complexe ». « La taxe d’habitation repose sur des valeurs administratives totalement déconnectées des valeurs de marché des logements et elle est devenue un hybride complexe de taxe foncière, d’impôt sur le revenu et de « loterie nationale » », écrivait dans une note en 2019 le spécialiste des finances publiques François Ecalle. Cela dit, sa suppression n’était pas forcément préconisée par les économistes, même si beaucoup plaidaient pour une réforme de la fiscalité locale afin de l’améliorer.
« Une connerie »
Même dans la majorité, des regrets existent. « C’était une connerie : ce n’était pas la meilleure baisse d’impôts à faire, et elle n’était pas financée », lâche un ancien conseiller de Bercy. Le trou creusé dans la caisse par la suppression de cette taxe est en effet d’environ 20 milliards d’euros. Un montant loin d’être anodin avec un déficit de plus de 160 milliards d’euros…
Au moment où l’on cherche des marges de manoeuvre, il n’est pas étonnant que cette taxe soit sortie du placard. Elle permettrait selon ses défenseurs d’éviter de demander aux collectivités locales 5 milliards réclamés pour les exécutifs. Pour les élus locaux, cette taxe avait également une importance symbolique : elle permettait de sensibiliser l’habitant d’une commune au coût des services publics et infrastructures utilisés.
À Découvrir
Le Kangourou du jour
Répondre
Alors, marche arrière toute ? Tous les élus ne partagent pas forcément cette position. Pas utile selon certains. « Si les communes veulent augmenter les recettes, elles peuvent moduler la taxe foncière ou la contribution foncière des entreprises. Il n’est pas nécessaire de réintroduire un impôt supprimé. C’est un travers typiquement français. Cherchons plutôt des économies », plaide Boris Ravignon, maire DVD de Charleville-Mézières (Ardennes).
Pour d’autres, « c’était une erreur de supprimer cet impôt, mais revenir dessus est impossible. C’est un impôt qui concerne beaucoup de monde. La crédibilité de la parole politique serait ébranlée », juge Eric Woerth, député EPR de l’Oise. Pour le moment, le gouvernement a en tout cas fermé la porte à un retour de la taxe d’habitation.